Auteur : Pascal Comas
Mise en ligne : 15 octobre 2013
Sources : http://pascalcomas.typepad.com/ et www.contrepoints.org
Le FMI vient de livrer à tous les gouvernements de cigales la caution qu’ils attendaient pour opérer leur rapine.
Depuis le 9 octobre 2013 nous savons quelle est la méthode envisagée par les technocrates et hauts fonctionnaires qui nous « administrent » pour adapter le hold-up étatique (ou chypriotisation de la dette) à l’ensemble de la zone européenne et peut-être au-delà. Nous savons également quelle tactique a été adoptée pour commencer à préparer l’opinion : la partition commence avec une « simple suggestion à caractère «théorique» » du FMI.
Le FMI, c’est cette institution de hauts fonctionnaires sans aucun mandat démocratique, très cher payés pour voir venir les dangers et qui ne voient rien venir. Une institution supposée être un repère de néo-libéraux alors que Olivier Blanchard et Christine Lagarde sont des keynésiens convaincus. Une organisation qui récemment encore mettait en garde le Royaume Uni contre ses économies budgétaires (accusant le ministre des finances de jouer avec le feu) et lui préconisait une politique de relance keynésienne en prévoyant une croissance de 0,7% seulement. Elle prévoit à présent une croissance de 1,4% (le double) et a changé sa rhétorique. Bref le FMI est une organisation qui coûte cher, passe son temps à se tromper et à réviser ses prévisions, est supposée anticiper les crises mais souvent contribue à leur développement, et dont le biais idéologique est clairement en faveur des politiques keynésiennes (États forts et relance par la dette), tout en étant accusé d’ultralibéralisme par les gens de gauche.
Une nouvelle mission du FMI semble être depuis le 9 octobre d’avancer sur la table et de donner un cachet d’ »experts » à la prochaine « solution » permettant aux politiques, banquiers centraux et banques « too big to fail » de régler ce problème de dette-qui-devient-enquiquinant-à-la-fin ! Une solution qui devrait leur permettre d’éviter faillites bancaires et défauts des États sans que les politiques aient un seul instant à assumer leurs responsabilités pour les montagnes de dettes qu’ils ont créées bien avant la crise des subprimes, pour des raisons purement démagogiques joliment emballées dans des recommandations d’ »experts » keynésiens.
Car ne croyons pas une seconde que cette « simple suggestion à caractère «théorique» » est autre chose que le gong d’ouverture de la plus grande opération d’oppression technocratique de l’histoire – hors dictatures et sorties de guerre. Et même dans les périodes exceptionnelles post-conflits, malgré les tentatives des gouvernements européens, seule l’Italie a finalement pu appliquer une telle solution au sortir de la première guerre mondiale, et le Japon après la seconde guerre mondiale.
Pour bien se rendre compte à quel point le sort des citoyens, qui ont travaillé dur pour mettre un peu d’argent de côté, est à la merci de fonctionnaires sans foi ni loi dont le seul mode de fonctionnement est de protéger la caste à laquelle ils appartiennent, il faut bien se pénétrer de l’observation suivante : le FMI a l’indécence de mettre une telle idée sur la table alors qu’il n’a mis aucune réelle pression sur la France pour se réformer et réduire les dépenses des administrations, et en dépit du fait que tout le monde, Cour des Comptes comprise, s’accorde sur ce sujet. La population française (fonctionnaires, chômeurs professionnels et assistés mis a part – oui je sais ça fait du monde) est soumise a une ahurissante oppression fiscale parce que le gouvernement actuel ne souhaite prendre aucune mesure défavorable aux… fonctionnaires, chômeurs professionnels et assistés ! Et visiblement les fonctionnaires du FMI ne souhaitent pas trop insister sur des solutions (réduire les dépenses) qui ne sont pas favorables a leur caste.
La pression fiscale actuelle est souvent pénible pour les classes moyennes qui n’ont pas ou peu de réserves pour faire face aux ponctions sans que cela affecte leur quotidien. Mais elle est encore plus extrême en proportion pour les patrimoines les plus élevés qui supportent des taux marginaux d’IR dignes de pays communistes et un ISF venant ratiboiser chaque année ce qui reste de capital. Un chef d’entreprise voit la richesse qu’il crée ponctionnée des dizaines de fois, depuis la TVA, les charges patronales, la CSG, l’IS, puis l’IR, l’impôt sur les dividendes, et enfin l’ISF (combien de dizaines de taxes ai-je oublié ?). Mais il faudrait encore que ce qui lui reste après un tel racket fiscal soit ponctionné à hauteur de 10, 20 ou 30% ? Et sans contrepartie par dessus le marché ? Ceux qui émettent de telles « simples suggestions à caractère «théorique» » se rendent-ils compte que les voyants ont dépassé le rouge depuis longtemps, et que les droits de propriété étant déjà bafoués en France depuis des lustres, cette suggestion est tout simplement insupportable ?
Comment peut-on envisager une seule seconde de prélever 30% ou même 20% des économies de citoyens qui déjà contribuent comme des esclaves aux débauches dépensières d’une caste d’énarques dont le cynisme politique le dispute à l’incompétence économique totale ?
Les Français, peuple d’épargnants, ont été amenés à concentrer leurs économies sur deux produits qui sont à peu près les seuls à être relativement épargnés – tout est relatif – par le matraquage fiscal tout azimut : le Livret A et l’assurance-vie. Bien entendu les politiques lorgnent avec envie sur ce trésor qui leur permettrait de sortir du surendettement et continuer à gagner des élections en promettant des mesures faisant de nouveau exploser l’endettement. Le FMI vient de livrer à tous les gouvernements de cigales la caution qu’ils attendaient pour opérer leur rapine sans que cela ait trop l’air d’un troussage de bandits de grands chemins. Laissons ici la parole à Simone Wapler :
« La « solution » du FMI ne résout pas la situation de surendettement puisqu’elle se contente de nous faire revenir à la case 2007. Or la crise de 2007 s’est produite à cause du surendettement. Depuis, on a aggravé la situation en transférant des mauvaises créances du privé vers le public (bilan des banques centrales). Revenir à la situation de pré-crise en prétendant que tout ira bien ensuite est donc absurde. Quoiqu’il en soit, cette note du FMI permet désormais aux gouvernements de justifier toutes les « chypriotisations » futures. Nous entendrons alors « nous ne faisons rien d’autre que d’appliquer les recommandations du FMI ».
Parions maintenant que la commission européenne va y aller de son petit commentaire du genre « Ah oui, tiens, on n’y avait pas pensé, mais c’est la solution la moins hypocrite ! » Car il va falloir en plus remercier ces messieurs de nous préserver ainsi de l’hypocrisie de l’inflation ! C’est sûr : dépouiller a coups de gourdin est moins hypocrite que de verser deux fois moins de vin dans le verre a chaque repas.
Ne parlons pas de la majorité des écono-marx-istes qui vont y aller de leurs variations sur les infinies vertus de cette solution. Gageons enfin que la participation de tous les épargnants étant politiquement délicate vu le nombre de mécontents qu’elle pourrait engendrer, notamment parmi les fonctionnaires, le périmètre des contributeurs sera finalement réduit aux plus gros patrimoines sur lesquels le pourcentage prélevé sera augmenté. Ils seront bien entendu révoltés, mais ils sont une minorité et l’État a le monopole de la violence, donc ce sera pesé et emballé !
L’intolérable situation actuelle, anticipée par Alexis de Tocqueville (1805-1859), a été remarquablement exprimée par Friedrich August von Hayek (1899-1992), et nous ne pouvons mieux faire que de lui laisser la parole pour conclure ce billet :
« La démocratie est devenue un fétiche : le dernier tabou sur lequel il est interdit de s’interroger. Or c’est à cause du mauvais fonctionnement de la démocratie que les États modernes sont devenus envahissants. (…) À l’origine, en démocratie, les pouvoirs de l’État, contrairement à la monarchie, étaient limités par la Constitution et par la coutume. Mais nous avons glissé progressivement dans la démocratie illimitée : un gouvernement peut désormais tout faire sous prétexte qu’il est majoritaire. La majorité a remplacé la loi. La loi elle-même a perdu son sens. Principe universel au départ, elle n’est plus aujourd’hui qu’une règle changeante destinée à servir des intérêts particuliers : au nom de la justice sociale ! Or la justice sociale est une fiction : personne ne sait en quoi elle consiste. Grâce à ce terme flou, chaque groupe se croit en droit d’exiger du gouvernement des avantages particuliers : c’est une baguette magique. En réalité, derrière la « justice sociale », il y a simplement l’attente semée dans l’esprit des électeurs par la générosité des législateurs envers certains groupes. Les gouvernements sont devenus des institutions de bienfaisance exposées au chantage des intérêts organisés. Les hommes politiques cèdent d’autant plus volontiers que la distribution d’avantages permet d’”acheter” des partisans. Comme cette distribution profite à des groupes isolés tandis que les coûts sont répartis sur l’ensemble des contribuables, chacun a l’impression qu’il s’agit de dépenser l’argent des autres. Cette asymétrie entre des bénéfices visibles et des coûts invisibles crée l’engrenage qui pousse les gouvernements à dépenser toujours plus pour préserver leur majorité politique. Dans ce système que l’on persiste à appeler « démocratique », l’homme politique n’est plus le représentant de l’intérêt général ; il est devenu le gestionnaire d’un fonds de commerce. Sur le marché de l’opinion publique, les partis cherchent à maximiser leurs voix par la distribution des faveurs. (…) Ils se définissent plus par les avantages particuliers qu’ils promettent que par les principes qu’ils défendent. (…) La démocratie devient ainsi immorale, injuste et totalitaire : les individus ne sont plus autonomes mais drogués, dépendants des bienveillances de l’État. (…) La démocratie s’est dégradée parce que nous avons confondu, comme le craignait déjà Tocqueville, idéal démocratique et tyrannie de la majorité. » - F.A. Hayek – entretien avec Guy Sorman – Figaro Magazine du 18 juin 1988.
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