Auteur : Thib13
Mise en ligne : 4 juillet 2013
La Federal Reserve (banque centrale américaine) fête son centenaire cette année et peut s’enorgueillir d’un bilan pour le moins gonflé dans tous le sens du terme. Je vous passe les véritables causes du Krach de 1929 et de la Grande Dépression qui s’en suivit mais j’invite néanmoins le lecteur à consulter Murray Rothbard à ce sujet dans America’s Great Depression. Depuis la fin des accords de Bretton Woods en 1973, de concert avec le gouvernement du même pays, mais en toute indépendance bien sûr, elle peut se permettre d’imprimer de la monnaie à qui-mieux-mieux tout en manipulant la courbe des taux sur toutes les échéances. Ci-dessous les Fed Funds Rates (taux de refinancement à court terme des banques privées). Source : Bloomberg.
Son action est omniprésente au point que le célèbre trader Rick Santelli en perd son américain et entre dans des colères noires (1) sur CNBC (« Il n’est pas écrit dans la Constitution que c’est le rôle de la Fed de fixer les taux d’intérêt ! »). Et pourtant, elle ne se gêne pas pour intervenir abondamment via son Fed Open Market Committee en achetant massivement des obligations américaines à en devenir le premier détenteur avec 1 923 milliards USD à ce jour, loin devant la Chine et le Japon (voir graphique ci-dessous).
Mais comment est-ce donc possible ? Eh bien, en faisant tourner la planche à billets et en emballant cela dans un jargon bien technique pompeux comme le « quantitative easing » (= assouplissement quantitatif). Le gouvernement US émet un emprunt, la Fed se positionne comme premier souscripteur achetant à n’importe quel prix, faisant ainsi baisser fortement le taux de rendement (disons, le coût de la dette pour le contribuable américain) et augmenter le prix des obligations Ceci entraîne une baisse du taux de rendement et donc du coût de la dette. Ci-après le taux de rendement de la dette US à 10 ans qui est passé de 4,25%/an à 2,47% sur 5 ans (même si on remarque bien que sa fourchette de fluctuation était entre 1,50% et 2,00% sur les 2 dernières années).
Est-ce que cela a un impact sur les taux d’emprunt en USD des autres débiteurs dans le marché ? Bien sûr, le meilleur moyen de s’en rendre compte est de considérer l’évolution du taux swap de référence (10 ans contre US Libor 6 mois), le taux de référence dans les opérations d’échange du taux US fixe à 10 ans contre le taux variable à 6 mois sur le marché des produits dérivés. La chute est identique et cela se reflète dans les conditions d’accès au marché de l’emprunt en USD pour tous les autres débiteurs, leur prime de risque (risk premium) en plus évidemment (2).
Mais où trouve-t-elle l’argent ? Facile, elle le produit elle-même ex nihilo. La Fed écrit un chèque sur elle-même qu’elle remet au Trésor US qui ensuite le lui présente pour encaissement. Elle peut ensuite procéder à la création monétaire ad hoc (l’impression de billets est évidemment un processus informatisé de nos jours) et créditer le compte du trésor US en ses livres au final. Et l’affaire est dans le sac ! Ceci permet d’ailleurs au gouvernement américain de répéter l’opération de nombreuses fois et de propulser la dette totale à des niveaux stratosphériques (plus de 16 trillions de dollars, soit 16 000 000 000 000 USD). Ce n’est plus 9 mais 12 zéros dont on a besoin maintenant. Voici l’évolution de la dette US totale : +74,6% sur 5 ans.
Ceci entraîne aussi une projection du ratio dette/PIB (dette publique en pourcentage du produit intérieur brut) de 76% à près de 105% au 31/03/2013l. Traduisez par : « Vivons au-dessus de nos moyens. » source : Zerohedge.
Alors tout ceci n’impacte pas que le Trésor US et la dette américaine ? Non, ce n’est pas tout. La banque centrale balance aussi des mannes de cash vers les banques privées via la magie de la création monétaire. Ces liquidités sont ensuite démultipliées via le principe des réserves fractionnaires. A leur tour, Les banques privées créent de l’argent avec les nouveaux dépôts en ne provisionnant qu’une partie de leurs fonds propres. C’est d’ailleurs vers l’immobilier et les actions que les dollars affluent principalement. Malgré la crise des subprimes en 2008, nous n’avons toujours pas retenu la leçon et des taux abyssalement bas signifient des crédits pas chers et donc un investissement massif dans l’immobilier résidentiel, un secteur qui peinait à se remettre. Sur les 5 dernières années, l’indice Down Jones Wilshire US Residential ci-dessous a fait un bond de 230%.
De leur côté, les actions ne sont pas en reste. Les valorisations des entreprises reposant principalement sur la méthode des cashflows actualisés, des taux bas signifient des valorisations et donc des cours-cibles super élevés. Et les cours de bourse doivent courir derrière pour rattraper leur retard, d’où une forte hausse des prix des actions US. Ci-après l’indice S&P500 qui a bondi de 138% sur 4 ans.
Et il y a encore de nombreuses classes d’actifs qui ont subi le même sort. Tout ceci crée une impression de richesse dans le chef des détenteurs de ces actifs.
Enfin, il ne faut pas oublier que la création monétaire engendre l’inflation et donc la hausse des prix en règle générale. L’inflation n’est pas la cause de cette hausse, c’est l’expansion monétaire qui en est à la source. Ci-dessous l’évolution des prix à la consommation en milieu urbain (+2,11%/an en moyenne sur près de 5 ans) aux USA sur les 5 dernières années. Et encore, je ne prends même pas la peine de discuter l’échantillonnage et le mode de calcul de cette statistique qui, comme tout le monde le sait, est sujette à des manipulations (comme le taux de chômage d’ailleurs).
Outre le fait que la création monétaire tend à se répandre de manière égale dans la société, elle touche surtout les masses les plus pauvres et les plus faibles. L’euthanasie du rentier a également pour résultante une prise de risque accrue, un recours à l’emprunt de manière abusive et une mauvaise allocation des ressources dans des investissements qui, dans un environnement de taux normal soumis à la loi de l’offre et de la demande, seraient vite balayés ou ne verraient jamais le jour. La répartition inégale et progressive de l’inflation permet aussi à ses premiers receveurs (les banques privées et certains producteurs de matières premières par exemple) de bénéficier d’un effet d’aubaine puis aux suivants (les promoteurs immobiliers, les propriétaires de terrains à bâtir, les vendeurs de céréales…) dans des proportions moindres mais toujours bénéfiques. Au fur-et-à-mesure qu’elle se répand, elle finit par toucher les petits allocataires que sont les bas revenus comme les salariés en bas de l’échelle et les petits retraités qui, eux, n’ont rien vu venir et n’ont pas pu se couvrir contre cette inflation qu’ils ressentent douloureusement. Sous couvert d’aide à la relance, la création monétaire paupérise les plus pauvres et les plus faibles de notre société. Pis encore, elle permet, via la croissance du budget de l’Etat, d’embaucher une pléthore de bureaucrates qui auront pour but d’établir des règlements multiples et complexes, réduisant ainsi les échanges commerciaux et la production de biens et services. Enfin, la création monétaire et les manipulations de la courbe de taux d’intérêt par la banque centrale sont à l’origine de ces cycles économiques ponctués de crises (booms and busts = phases de croissance et de récession).
Notes :
(1) http://www.zerohedge.com/news/2013-06-19/rick-santelli-rages-what-bernanke-so-afraid
(2) A noter que par convention le taux de rendement d’un tiers-débiteur US s’exprime en sus du taux « sans risque » représenté par l’emprunt souverain US sur la même échéance (ex. : Si l’emprunt à 10 ans de McDonald’s Corp affiche un taux de rendement de 3,3% par rapport au taux de rendement de 10Y US Treasury qui est à 2.5%, on parle d’une prime de risque de 0.8%.
(2) A noter que par convention le taux de rendement d’un tiers-débiteur US s’exprime en sus du taux « sans risque » représenté par l’emprunt souverain US sur la même échéance (ex. : Si l’emprunt à 10 ans de McDonald’s Corp affiche un taux de rendement de 3,3% par rapport au taux de rendement de 10Y US Treasury qui est à 2.5%, on parle d’une prime de risque de 0.8%.
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