Auteur : Pascal Dray (chef d’entreprise et docteur en économie)
Source : Le Cercle - Les Echos
Mise en ligne : 7 juillet 2013
Depuis sa création l’euro oscille entre "désastres économiques" et une "pseudo-monnaie". En effet, l’Euro n’est pas une monnaie, mais une construction monétaire risquée.
L’euro n’a jamais été une monnaie
L’euro n’a pas été conçu comme une monnaie. Il est encore aujourd’hui un panier de monnaies fiduciaires dont on a fixé des parités fixes entre elles. À l’origine, le taux adopté était arbitraire et reposait sur une vision keynésienne et constructiviste de l’économie. D’une façon générale et depuis toujours, l’économie ne repose pas sur un modèle constructiviste et planifié à l'avance, mais sur un ensemble d’actions humaines libres et intentionnelles concurrentes qui vise à optimiser l’allocation des ressources rares à des fins alternatives.
L’euro, dans ce cadre constructiviste, ne pouvait pas être une monnaie puisque toutes les monnaies ont toujours été le résultat de ces actions humaines. La monnaie est un intermédiaire des échanges utilisé initialement pour permettre aux coéchangistes de s’entendre sur un ratio entre les marchandises qu’ils s’échangent.
En effet, il est plus facile d’avoir un référentiel commun pour échanger que de trouver sans cesse les bonnes contreparties comme dans une économie de troc. La monnaie est censée faciliter les échanges. Puis lorsque le temps intervient, il est nécessaire que cette monnaie puisse préserver le pouvoir d’achat. C’est ainsi que progressivement les métaux précieux ont été sélectionnés par les individus comme monnaie. Au départ quand les souverains ont monopolisé la monnaie, elle représentait un poids d’or ou d’argent. Puis progressivement, des sujets zélés ont commencé à organiser la "spoliation monétaire légale", c'est-à-dire l’inflation.
Depuis le temps où nous n’utilisons plus de métaux comme référence monétaire, la monnaie n’a cessé d’être détruite pour arriver aux monnaies fiduciaires actuelles qui ne reposent plus sur des métaux précieux, mais sur le bon vouloir des autorités monétaires des grandes nations, à savoir les États-Unis, le Japon et le Royaume-Uni. Les trois monnaies de ces pays représentent les principales réserves de change de l’ensemble des autres pays. Or lorsque les autorités monétaires de ces pays impriment du papier, elles le font sans que cela représente quoi que ce soit. Et c’est ainsi que l’on a pu dire que le XXe siècle était le siècle de l’inflation, c'est-à-dire de la destruction monétaire.
L’euro a été construit pour être une nouvelle monnaie de réserve, mais c’était oublier que l’Europe est constituée de nations différentes avec des individus différents qui ne partagent pas les mêmes visions sur l’économie… Les Allemands sont sensibles à l’inflation, car elle a été une des causes de la montée du nazisme en Allemagne. Les Italiens, les Grecs, les Espagnols le sont moins. Au-delà du débat sur l’inflation, ces différents états se sont lancés dans une course à l’État providence depuis la Seconde Guerre mondiale. Ces éléments ont contribué à créer la mosaïque économique européenne que l’on connaît.
Les Allemands ont accepté de ne plus utiliser le mark pour utiliser l’euro à l’unique condition d’avoir un regard bienveillant sur la Banque Centrale Européenne. L’euro a été négocié à la suite de la réunification en 1989. La négociation entre la France et l’Allemagne, ce fameux couple franco-allemand, n’a en fait reposé que sur le marchandage suivant : l’Allemagne adhère à l’euro, mais en contrepartie on laisse les deux Allemagnes se réunifier et on installe la Banque Centrale à Francfort.
Tous les protagonistes de la construction européenne connaissent ce marchandage. Or aujourd’hui nous sommes devant ce que les Allemands avaient redouté : l’euro est moins fort que le mark depuis le début de sa création. Les Allemands sont disciplinés, le reste de l’Europe l’est moins. Pour relancer l’activité économique, certains parlent d’austérité, les autres de croissance. Au-delà de ces débats sans fin, il faut tenter de sortir du schéma initial : le schéma keynésien.
Sortir du débat stérile "Croissance ou Austérité"
La plupart du temps une monnaie repose sur une Nation souveraine qui maîtrise les deux aspects actuels de la gestion politique de l’économie, à savoir la politique budgétaire et la politique monétaire. Nous avons vu dans trois articles précédents que cette vision de l’économie était erronée. Le keynésianisme ne reflète pas la réalité économique et c’est en partie pour cette raison que la crise s’éternise.
Le débat entre austérité et croissance est un faux débat qui reprend de toute façon les vieux outils rouillés du keynésianisme. Pour réellement sortir de la crise, il faut revenir à des outils économiques plus réalistes :
1) Partage consommation présente/consommation future.
2) Structure relative des prix des actifs et celui des dettes.
Par delà ces aspects techniques, il faut proposer aux Français et aux Européens une vision didactique, claire et précise de l’économie. Il est nécessaire que tous les citoyens comprennent les enjeux de cette crise et les mutations de la société qu’ils vivent au quotidien. On ne peut pas se contenter de dire qu’il existe une solution : il faut expliquer les mécanismes économiques, encore les expliquer, toujours les expliquer ! Il existe un grand nombre d’individus et de groupes d’individus au sein de la société civile qui peut parfaitement être le relais de ces explications.
Une fois cette clarification réalisée, si les individus font preuve de bon sens, il sera possible de déployer des solutions efficaces et réalistes au plus près des préoccupations de chacun. Il faut dédramatiser, poser des jalons réalistes, connecter l’ensemble des solutions et ensuite procéder à une grande clarification qui repartira sur des bases saines et solides.
Mettre les partisans d’un plan d’austérité en face de ceux d’un plan de croissance n’apportera rien et prolongera les effets négatifs de ces mutations, à savoir le chômage, la violence et la pauvreté.
Pour sortir de ce cercle vicieux keynésien, il nous faut proposer une clarification saine et réaliste : un nouvel euro.
Pour un nouvel euro
Un grand nombre d’individus ne comprendrait pas qu’on revienne à nos anciennes monnaies. Il est donc temps de convoquer une conférence monétaire qui sera dans un premier temps européenne. Lors de cette conférence seront posées les bases d’un nouvel euro.
Il faudra faire preuve de souplesse et de rapidité dans la création de cette nouvelle monnaie qui aura pour avantage de revenir à ses fondamentaux, à savoir un étalon et un pouvoir d’achat sans manipulation possible. L’objectif de cette "nouvelle politique monétaire" sera réellement de diminuer fortement l’inflation.
L’ensemble du système de prix relatifs pourra reposer sur des ratios marchandises/marchandises. On pourra connaître de manière saine et indifférenciée le pouvoir d’achat relatif réel de chaque bien et service et les échanges seront de ce fait plus sains. La part de l’inflation dans les calculs monétaires redeviendra modeste. Le partage consommation présente/consommation future fera lui aussi référence à cette nouvelle base et sera par conséquent plus clair pour les investisseurs, les entrepreneurs et les consommateurs.
L’ensemble des acteurs de l’économie pourra à nouveau faire des plans à plus long terme et ceci favorisera la croissance et l’emploi. Car les investissements d’aujourd’hui sont les emplois d'aujourd'hui, mais aussi de demain. Tout le monde participera à cette nouvelle prospérité à la hauteur de ses moyens et de ses ambitions. Il est donc grand temps de passer à ce nouvel euro.
Ce nouvel euro pourra reposer sur des "marchandises", c'est-à-dire sur des métaux précieux par exemple. La parité sera définie par un poids d’or ou d’argent et la nouvelle monnaie sera convertible. Par exemple, on peut penser qu’il y aura des transferts d’or pour les transactions significatives et d’argent pour de plus petites transactions. Mais tant que les modalités ne sont pas définies, on ne peut que l’imaginer.
La création de ce nouvel euro pourra passer par une phase de transition où une parité sera définie entre l’ancien euro et le nouvel euro. La circulation des deux euros sera libre et les prix pourront être libellés en anciens euros ou en nouvel euro. Ceci n’est pas un problème, car nous voyons encore sur certains tickets des prix en francs et en euros.
Progressivement le nouvel euro, qui aura une référence avec une marchandise réelle, sera préféré à l’ancien euro, panier de monnaies inconvertibles. Il deviendra alors la monnaie des Européens qui auront adopté cette nouvelle monnaie. Car les Européens, par l’effort de communication effectué par les partisans de ce système, pourront par eux-mêmes se rendre compte de l’efficacité et de l’assainissement que l’adoption de cette monnaie provoquera.
Comme la référence à l’Or ou à l’Argent sera chose commune, les gouvernements devront s’adapter eux aussi et réaliser des budgets en accord avec cette nouvelle donne. L’équilibre des finances publiques ne sera plus une contrainte, mais une nécessité. La société civile prendra le relais de l’État là où celui-ci ne pourra plus apporter son concours. Cette solution devra être étudiée en toute connaissance de cause et pourra faire l’objet de conférences, dé débats, de formation, etc. .
Le nouvel euro sera une vraie monnaie, c'est-à-dire un intermédiaire des échanges stable et acceptable par tous dans les échanges. La monnaie redeviendra alors un pouvoir d’achat indifférencié, statut qu’elle n’aurait jamais dû perdre.
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