De la nécessité de maintenir une société caractérisée par un régime de propriété privée des moyens de production au plus haut degré (1e partie).

1ère partie: Critique de la dialectique marxiste, libertés individuelles et régime de propriété privée pour la production de biens et services.

Auteur: Thib13
Mise en ligne: 22 avril 2013


La théorie marxiste (1), telle qu'enseignée fidèlement jusqu'au début du 20ème siècle, nous dit que l'avènement du communisme (2) était inéluctable et que rien ne servait de lutter contre la mort lente et irréversible du capitalisme. Même Marx méprisait les syndicats pour leur manque de vision et leurs intérêts nombrilistes à vouloir s'emparer de manière égoïste des moyens de production (= tout ce qui sert à produire dans une entreprise : terrains, bâtiments, machines, équipements, technologie, licences, patentes, brevets...) de leurs industries respectives par la force. Il voyait dans la prétendue déchéance de l'économie de marché une marche ferme vers la société collectiviste portée par un vent progressiste visant à abolir la propriété privée et, à terme, s'affranchir de l'Etat. L'être socialiste suprême, ce "surhomme" tel que décrit par Karl Kautsky (3), n'ayant plus besoin d'autorité supérieure pour le freiner dans ses pulsions manichéennes et bourgeoises d'antan, vivrait dans le paradis sur terre où chaque être reçoit selon ses besoins et contribue selon ses moyens.

Autant dire que cette vision romantique ne s'est jamais produite. D'abord, les marxistes (ils se nomment aussi marxiens parfois pour des questions tactiques lors du débat) ont bien dû constater par empirisme que le capitalisme, s'il connaissait des crises, en fait des ratés majoritairement dus à l'intervention de l'Etat, ne mourait pas de sa belle mort. Il fut alors décidé à Moscou en 1917 de lui donner le coup de grâce via un putsch et de gérer la transition d'une main tout aussi ferme. La planification subséquente de l'économie soviétique à grands coups de plans quinquennaux et les écarts économiques constatés entre le bloc de l'Ouest (capitaliste, quoique certains pays relevaient plutôt de l'économie mixte avec 50% du PIB entre les mains du secteur public) et le bloc de l'Est après la 2nde guerre mondiale étaient frappants malgré le rideau de fer au sens littéral du terme dressé entre les 2 blocs. Il n'était plus possible de professer la supériorité socialiste en termes de croissance économique, de production de biens et de services et d’amélioration des standards de vie.

Une autre tactique fut adoptée. Digressant par rapport aux textes originels de Marx et Engels, il fut dés lors communément admis et prêché que l'abondance matérielle n'était que source d'abrutissement et de manque de civilisation. La quête spirituelle et intellectuelle du bon socialiste devenait un chemin de croix quasi-ascétique où sa volonté de fer et son élévation de l'âme tendaient vers la lumière scintillant tout au bout du tunnel de la vie matérialiste. Marx et Engels, auteurs sous anonymat du Manifeste du Parti Communiste paru en 1848, ne déclaraient-ils pas que le communisme ne s'embarrasserait plus des religions puisque le communisme leur montrait la voie de la spiritualité toute entière?

L'on remarque aisément la tactique sournoise de la dialectique marxiste qui, une fois mise devant les erreurs de sa propre théorie professant l'abondance matérielle, la vision romantique de rivières de diamants et de miel, tend à jouer sur les esprits de ses brebis et de ses détracteurs pour effectuer un glissement dans son discours afin d'éviter de reconnaître la supériorité d'un système concurrent en termes de standards de vie, celui du capitalisme et du libéralisme, et de continuer à le vilipender et le condamner sans détours sans toutefois être capable d'en démontrer le caractère irrationnel et mortifère qu'elle lui attribue.

D'ailleurs, cette volte-face comporte un grand avantage que tout manipulateur de l'esprit ne reniera pas: s'il permet de continuer la lutte ouverte contre le grand Satan capitaliste, il autorise le dirigeant marxiste, tel le gourou d'une secte, à exercer une pression morale sur le petit soldat socialiste qui, s'il venait à se plaindre de ses conditions matérielles, serait vite remis à sa place pour son esprit petit bourgeois et son manque d'engagement vis-à-vis de la cause socialiste. Le KGB, la Stasi ou la Guépéou étaient toujours à l'affût de tout comportement dissident ou de toute lettre de délation. Quelques interrogatoires musclés, quelques séjours en prison ou, pour les plus indociles, en camps de travail, leur rendront bien la raison et les remettront sur le droit chemin. Le Livre Noir du Communisme rédigé par un collectif d'universitaire et publié en 1997 fait état de plus de 100 millions de morts. De nous jours, Cuba et la Corée du Nord, les derniers "havres" communistes, sont des états aux économies à la dérive, aux postures guignolesques sur la scène internationale que l'on qualifierait de risibles si elles ne s'accompagnaient pas de drames humains et d'un délabrement moral dans un décorum anachronique effarant, trustant en tant que lanternes rouges les positions des pays les plus arriérés au plan économique et au plan des libertés individuelles.


On peut aimer ou ne pas aimer la production et la consommation de biens et de services. On peut adorer la corne d’abondance ou rechercher un mode de vie frugal, voire ascétique. Le libéralisme, en tant que philosophie du droit et morale individuelle, ne recommande d'ailleurs pas la consommation à outrance comme le disent ses détracteurs (l'économiste libéral Adam Smith est très explicite à ce sujet), mais plutôt la recherche de sa propre voie avec comme force sous-jacente la liberté sans nuire aux droits d'autrui. Chaque point de vue est intime, personnel et subjectif. Ce n’est ni bien ni mal. C’est une volonté individuelle et, tant qu’elle ne nuit pas à autrui (je parle des droits naturels tels que la propriété privée, la liberté, la sûreté et la résistance à l’oppression), son plein exercice, aussi condamnable soit-il du point de vue du jugement moral de tout autre individu, ne peut en aucun cas être restreint ou interdit par la force des lois et des règlements émanant d‘une autorité centrale. Ce qui devient gênant, voire contraignant et étouffant, c’est cette volonté de vouloir imposer ses jugements de valeur à autrui par le recours à la force et au bras armé du gouvernement, de sa police, son armée et ses tribunaux. Et ces jugements péremptoires que l’on n’hésite pas à codifier en lois sont motivés tantôt par une situation d’urgence à forte composante émotionnelle (attentats, catastrophes humaines ou catastrophes naturelles) tantôt par des raisonnements biaisés et normatifs sur l’action humaine et l’incapacité des individus à s‘autogérer. Le ridicule de cette dernière situation revient à reconnaître l’infaillibilité de l’Etat, c-à-d une poignée d’hommes et de femmes, à gérer nos vies en parfaite conscience de nos désirs et besoins alors que nous serions individuellement trop stupides pour le faire sans dévorer autrui et nuire à nous-mêmes. C’est ainsi que nos élus et autres étatistes prétendent par exemple calmer en nous toute forme d’avidité et de recours à la spéculation, notion à forte connotation négative dans notre société.

La spéculation n'est pas un élément négatif comme on voudrait nous le faire entendre. En fait, c’est plutôt positif car cela prouve que face à un futur incertain, les individus conscients peuvent user de raison pour tenter de l'anticiper et tendre vers une situation plus satisfaisante. Nous nous abstiendrons de porter un jugement de valeur sur les fins visées par les individus. Cela peut se traduire par exemple par un comportement de bon père ou bonne mère de famille visant à mettre les siens à l’abri du besoin. Dans un cas extrême, une personne mettant consciemment fin à ses jours par le suicide considère que cette situation est plus satisfaisante qu’une vie de douleur morale et/ou physique sur terre. Sortir de chez soi et traverser la rue relève de la spéculation. Prendre le train ou l’avion est spéculatif. Se demander ce que l'on fera cet après-midi face à l'inconnu et à l'incertitude du futur, même proche, relève de la spéculation également. Le chef de PME établissant un business plan spécule sur les prix futurs des biens et services vendus par rapport aux charges à supporter auparavant.

Ramenée à l'économie, la spéculation est souvent décrite en termes vils où les acteurs sont comparés à des joueurs de casino ou des parieurs sur champs de course. C'est une vision tronquée et absurde émanant du prisme déformant de la dialectique socialiste. La spéculation est absolument nécessaire au bon déroulement de l'économie. C'est le lien entre l'action humaine individuelle et l'économie au sens large du terme. La spéculation est inévitable car, au grand dam de Madame Irma, le futur nous est inconnu et l'incertitude prévaut. C'est dans cette logique que la plus grande dynamique et la plus grande flexibilité doivent être accordées aux individus s'ils veulent anticiper au mieux les changements futurs dans une société. La force sous-jacente de cette dynamique doit être l'exercice des libertés individuelles, ce qui inclut les libertés économiques. Son contraire est l’économie planifiée et ses drames (le bloc de L’Est a fini par s’effondrer en 1991 non pas par actes de sabotage de l’Ouest mais par implosion en raison de l’impossibilité du calcul économique sous régime socialiste ainsi que l'a démontré Ludwig von Mises dès 1920). Le libre marché est la manière la plus harmonieuse d’envisager la satisfaction de la demande des individus qui exprimeront des choix ainsi que leur vote en dépensant leur argent pour tel ou tel bien ou service. En s’abstenant de dépenser son argent pour d’autres biens et services, l’individu exprime également un choix, celui de postposer sa consommation ou de ne pas supporter une ou plusieurs branches spécifiques du commerce et de l’industrie. Il n’y a rien de plus démocratique comme processus puisque le vote de chaque personne est pris en compte et nul ne subit la tyrannie de la majorité. Les entrepreneurs les plus aptes à anticiper ses changements seront récompensés. Les moins aptes seront relégués à des positions plus modestes, contraints de s’adapter, ou alors leurs entreprises seront liquidées, restructurées ou absorbées par la concurrence.   

Pourquoi une société caractérisée par un régime de propriété privée des moyens de production fait-elle mieux en termes d’avancées économiques et technologiques mais aussi en termes d’avancées artistiques et philosophiques? L'objet de l'entrepreneur est de livrer la plus grande quantité de biens et de services au meilleur prix et de la meilleure qualité, si la demande devait exprimer un tel souhait et en accepter les termes de l'échange. Le libre marché, qu'on appelle également l'économie de laissez-faire, a le grand avantage de permettre à la plus petite unité d'action chère à ses yeux, l'homme ou la femme, de se réaliser pleinement en supportant la responsabilité de ses actes. Ce n'est ni le fruit du hasard ni le beau jeu de la Providence si un entrepreneur se démarque plus d'un autre. C'est le reflet du niveau de satisfaction qu'il ou elle a été capable d'apporter à la population composant sa clientèle sur base volontaire. Il n'y a aucune mystique ou aucun coup du destin là-dedans.

Le libre marché nous apporte une quantité de biens et de services permettant d'élever les standards de vie de chacun. Ce n'est pas là le but ultime de toute personne. Néanmoins, avec des standards de vie généralement plus élevés, celle-ci peut ensuite s'adonner à des activités moins « matérielles » telles que les arts, la philosophie et l'étude de la nature par exemple. Ce n'est d'ailleurs pas étonnant d'observer une corrélation positive entre le développement de la société marchande et la popularisation des arts tous styles et disciplines confondus, tant chez les Grecs, les Romains, les Phéniciens que dans l'Occident des 2 derniers siècles. La liberté de commercer a pour corollaire la liberté de penser et cela se traduit par une abondance d’écrits et d’œuvres par des auteurs et des artistes prolifiques libérés de la censure de l’autorité étatique ou théocratique même si des exceptions ont été constatées historiquement (ex. : les peintres de la Renaissance sous les Borgia). Il est néanmoins toujours dangereux pour un artiste de déplaire voire tancer ouvertement l’autorité centrale. L’Etat n’aime pas la dissidence, même dans les arts.

Si le paradis sur terre consistait à revenir à l'état naturel de la vie, celle de la vision romantique du jardin d'Eden, nous déchanterions rapidement face à la réalité brutale des choses. Une fois dans la forêt, à la merci des animaux, du climat et de la rareté des ressources, nos conditions et notre espérance de vie seraient rapidement compromises. C'est justement parce que la 1ère leçon de l'économie est de composer avec des ressources rares que cette prise de conscience nous guide vers la voie de la parcimonie et de la productivité sans forcer autrui à suivre notre voie mais en proposant plutôt qu'en imposant. D’ailleurs, que ce soit un système communiste ou un système national-socialiste, leur principal point commun est que seules la coercition et la violence en permettent l’avènement et le maintien. L’individu n’y est plus qu’une unité négligeable face au Dieu-Etat. Par contre, son système opposé, celui qui respecte l’individu, ne peut naître, grandir et perdurer qu'au sein d'une société caractérisée par un régime de propriété  privée des moyens de production au plus haut degré. Ce système se nourrit de la pacification des échanges et de la coopération sociale dans un régime de division du travail. Il a besoin de paix et de liberté pour se maintenir. Son opposé, les économies planifiées en régime collectiviste, se nourrissent de diktats et de procédures. Elles ont besoin de violence et de coercition pour se maintenir.     

Nulle « entité supérieure » n’a le don d’omniscience dans l’évaluation des besoins et désirs des individus à satisfaire. Le discours de l’être suprême éclairé ou du conseil des sages relève de la technique de manipulation propre aux dictateurs ou gourous de sectes. Toute forme de planification étatique se fait via l’expression de jugements de valeur péremptoires et irrespectueux des libertés et préférences de la plus petite unité chère aux yeux des libéraux : l’individu. Nationaliser l’excroissance de sa production - en fait, les moyens de production, le capital, les biens et les services - et lui imposer des choix de vie, c’est l’enfermer dans une prison. Derrière la défense de la propriété privée, il y a bien plus qu’une dimension matérialiste. C’est avant tout la défense d’une liberté d’action et de pensée, de logique et de rationalité. Même si la route est sinueuse et incertaine, nous serons tous plus à même d’en appréhender les aléas dans un régime de propriété privée.    

(1) Karl Marx, philosophe et économiste allemand, né en 1818 et mort en 1883,  reconnu comme le père de la pensée socialiste/communiste de type marxiste, à vocation internationale, co-auteur avec Friedrich Engels du Manifeste du Parti Communiste et du Capital.

(2) Communisme et socialisme ont la même définition, à savoir qu'ils réfèrent à un régime social où les moyens de production sont nationalisés et donc entre les mains du secteur public sous la direction du gouvernement. Ces 2 termes ne sont utilisés en alternance que pour de raisons de tactique politique dans le débat.

(3) Karl Kautsky est un homme politique et théoricien marxiste allemand, né le 16 octobre 1854 et mort le 17 octobre 1938.

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