lundi 28 octobre 2013

Liberté bien ordonnée commence par soi-même

Auteur : Baptiste Créteur
Mise en ligne : 28 octobre 2013

L’histoire des révolutions, et plus récemment le printemps arabe, invite ceux qui aspirent à plus de liberté de garder à l’esprit que s’il est possible de renverser ou réformer un système, le vide peut être remplacé par pire


L’histoire des révolutions, et plus récemment le printemps arabe, invite ceux qui aspirent à plus de liberté de garder à l’esprit que s’il est possible de renverser ou réformer un système, le vide peut être remplacé par pire. Et c’est logique : quand le pouvoir disparaît, il faut qu’il soit remplacé, et rien ne dit que c’est la liberté plutôt qu’une autre forme ou un autre avatar du pouvoir qui s’en chargera.

Il devient maintenant évident que le système actuel va s’effondrer. Non seulement le système français, mais aussi la social-démocratie dans son ensemble. Elle est victime d’un cercle vicieux, qui détourne une part croissante des ressources créées et disponibles des activités productives et des fonctions régaliennes vers la redistribution et le fonctionnement de l’appareil bureaucratique et normatif.

Mais dans le cas français, la grogne s’étend, la pression monte, et le gouvernement maintient son cap. Beaucoup auraient sans doute ici évoqué l’absence de cap, l’attitude semblable à celle d’un poulet sans tête, et il est vrai que le comportement de ceux qui nous gouvernent est digne d’un animal n’ayant pas assez de neurones pour ne pas déféquer en mangeant. Mais ne nous y trompons pas : le gouvernement a un cap.

Il fait preuve de constance dans l’augmentation de la pression sur les créateurs de richesse et les services régaliens pour éviter de réduire les dépenses de l’État. Il pousse toujours plus loin le collectivisme, la déresponsabilisation, la déconstruction à marche forcée, l’aplanissement ; il acculture toujours plus les citoyens pour promouvoir diversité, mixité, parité, vivrensemble. Étonnamment, diversité et parité sont d’ailleurs, avec l’égalité des chances, devenues des fins en soi, comme si la question de ce que sont ces chances importait peu ; et, toujours plus étonnamment, le remplacement progressif des repères n’est pas concomitant à un remplacement des élites en place.

Toujours est-il que les Français en ont marre et atteignent, sur tous les fronts, un point proche de la saturation. Ils en ont marre qu’on leur dicte leur conduite, que certaines pensées leur soient interdites (sans préjuger du bien-fondé de ses pensées) ; ils ne veulent plus continuer à payer de plus en plus cher pour les autres. En clair, les Français ne veulent plus qu’autrui leur impose ses choix. Ils l’acceptaient à tort jusqu’à ce qu’autrui se montre aussi gras et ingrat, mais l’époque de la résignation frustrée semble révolue : les Français veulent redevenir des individus.

Ils sont alors confrontés à ce monstre qu’ils ont, sinon créé ou appelé de leurs vœux, au moins nourri pendant bien trop longtemps : le collectif, incarné par l’État. Qui peut, du jour au lendemain, changer le cours de leur vie, souvent pour le pire ; individuellement, beaucoup pensent sans doute avoir plus à perdre qu’à gagner à provoquer les ires de l’État.

Heureusement, il est possible d’agir de façon constructive, aussi bien pour éviter que le pouvoir ne soit réquisitionné que pour éviter le courroux de l’administration et ses protégés. Il ne s’agit pas de lutter contre l’État, ni avec lui ; il s’agit de le remplacer (Rien n’interdit, évidemment, d’éviter de le nourrir, et de mettre quelques grains de sable dans les rouages les plus invasifs et les plus bruyants).

Quelle que soit la légitimité d’une opposition, elle n’est pas pour autant un projet. Les partis français ont de nombreuses caractéristiques communes, notamment leur collectivisme plus ou moins assumé ; l’une d’entre elles est d’être, systématiquement, dans l’opposition. Depuis son accession au pouvoir, le gouvernement actuel n’a pas réellement changé de discours ; il n’y a pas de réel projet, si ce n’est de changer ce qu’ont fait les majorités précédentes et tenter d’insuffler un peu d’optimisme aux citoyens, qui sentent bien que le gouvernement n’a plus pour les honnêtes gens qu’un pouvoir de nuisance.

Je ne suis pas celui qui prétendra formuler ce projet. Fuyez celui-là comme la peste. Le seul projet digne d’être mené, c’est de récupérer vos vies, vos choix, vos principes et vos valeurs. Et pour cela, il faut faire société.

Il ne s’agit pas de vivre ensemble pour vivre ensemble, ou de monter des associations spécialisées dans la chasse aux sorcières et aux subventions et le détournement de fonds, ou d’organiser des groupes de parole et assemblées générales. Il s’agit de remplacer l’État. Démissionnaire de ses fonctions régaliennes, toujours plus menaçant envers la propriété, il sera bientôt incapable de protéger les citoyens ; que ceux-ci s’organisent pour jouer ce rôle. Qu’ils défendent, pour eux-mêmes et pour autrui, libertés individuelles, propriété et sûreté. Qu’ils s’unissent pour revendiquer leur individualité et leurs droits. Qu’ils s’associent librement pour poursuivre des intérêts communs.

Qu’ils refusent la toute-puissance des syndicats violents, l’impunité des politiciens corrompus, et dénoncent systématiquement les premiers et les seconds. Qu’ils défendent systématiquement leurs valeurs lorsqu’elles sont menacées par un discours de plus en plus normé et de moins en moins précis. Qu’ils contribuent aux initiatives dont ils estiment qu’elles amélioreront leur sort.

Une partie significative de la population est désemparée ; l’État qu’elle pensait omnipotent se révèle impuissant, les convictions profondes qu’on lui a asséné depuis la maternelle se révèlent erronées et cette prise de conscience continuera de s’étendre. Comprenant que l’État n’a pas la solution à tout, elle comprend qu’il n’est pas la solution à tout. D’ici à ce qu’elle envisage que la solution soit la fin du tout-État, il n’y a qu’un pas pour lequel elle peut sans doute être poussée.

Ce n’est pas à moi de dire ce que chacun doit faire, mais je me permettrai de donner des pistes sur ce que chacun peut faire :

Préparer, pour soi-même, l’après-État et sa chute. Liberté bien ordonnée commence par soi-même.

Soutenir les initiatives menées par d’autres. Contrepoints, par exemple, veut remplacer la presse d’État pour offrir une information de qualité et une opinion libre ; l’indépendance du journal et de l’association qui l’édite n’est possible que grâce à vos dons. Consacrer du temps et des ressources à faire avancer la liberté.

Faire société, remplacer l’État. À l’échelle locale ou nationale, seul ou en groupe, nous pouvons tous contribuer à libérer les esprits et les individus de l’emprise de l’État. Il est commode que l’État gère ; pour libérer l’espace nécessaire à l’expression des préférences que chacun, faisons en sorte qu’il soit remisé au grenier.


vendredi 25 octobre 2013

La Loi - Frédéric Bastiat (1801-1850)

Chaque semaine, Contrario vous recommande un ouvrage tiré de la grande bibliothèque du libéralisme : La Loi - Frédéric Bastiat (1801-1850).


Au crépuscule de sa vie en 1850, Frédéric Bastiat nous délivre cet essai court mais intense, dans un style très caractéristique de l’esprit pétillant de son auteur. Dans ce pamphlet, il répond à cette question: Qu'est-ce que la loi ? Que doit-elle être? Quel est son domaine? Quelles sont ses limites? Où s'arrêtent, par suite, les attributions du Législateur? Il définit la loi comme la force commune organisée pour faire obstacle à l'Injustice, l'organisation collective du Droit individuel de légitime défense. Il en conclut que la Loi, c'est la Justice, la Justice organisée.

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vendredi 18 octobre 2013

La théorie fallacieuse de la pénibilité du travail : une conséquence logique du système étatique de la pension par répartition.

Auteur : Thib13
Mise en ligne : 18 Octobre 2013

Nous ne sommes pas sur terre pour vivre sur le compte d’autrui (sauf si c’est une relation librement consentie). Personne ne me doit une vie et des standards élevés. Egalement, ce n’est pas la fonction qui t’honore mais la manière dont tu la remplis.


Un concept bien ficelé qui revient toujours dans la bouche des champions du socialisme (qu’on ne trouve pas qu’au PS ou au PTB…) [1] est celui de la pénibilité du travail et, par compensation, le « droit » de facto à une pension soit prématurée, soit mieux rémunérée, voire les deux, le cas des fonctionnaires de la SNCB étant particulièrement criant. Avant d’aborder le sujet, considérons un peu les points suivants.

D’abord, revenons au concept de droit qui, sous les coups de butoir des positivistes, a été dévoyé, maltraité, manipulé et transformé pour justifier l’intervention de l’Etat et de son monopole de la violence dans nos vies. Un droit est caractérisé par l’exercice naturel d’une liberté (ex. : le droit de respirer, d’exprimer son opinion, de ne pas être d’accord, de se déplacer…) tant que celle-ci ne nuit pas aux droits d’autrui (principe de non-agression, de non-entrave aux libertés et droits d’autrui).

Dans le monde du travail, cela se traduit pour quiconque par le droit de chercher un job ou d’entreprendre dans n’importe quel domaine pour lequel vous serez rémunéré à la hauteur de la valeur concédée par le preneur de vos biens ou services dans un contexte de libre-marché et de libre fixation des prix selon la loi de l’offre et de la demande. N’en déplaise aux politiques, fonctionnaires et autres bêtes étatiques, leur « travail » repose sur une agression vis-à-vis des acteurs privés qui n’ont pas librement consenti à leurs postes, rémunérations et avantages sociaux. Si tel est le cas, je demande que l’on me produise le contrat d’embauche signé pour chaque politique et fonctionnaire (y compris les fameux emplois subsidiés dans les ASBL et autres organes parastataux) sur lequel tous les habitants du Royaume auront apposé leur signature, et ce individuellement.

Au passage, le raisonnement est le même avec ces grandes entreprises, lobbies et corporations de touts sortes qui obtiennent des privilèges de l’Etat afin de se partager le marché après avoir évincé la concurrence. Il y a une violence faite à l’individu via l’utilisation du bras armé de l’Etat et de ses lois abusives. C’est un rapport non consenti et donc une violation du Droit Naturel. La résultante est une charge accrue pour le consommateur forcé de payer des prix plus élevés. Il se peut aussi que ce dernier n’aura dès lors pas les moyens de payer de tels prix, le privant tout simplement de ces biens et services.  Le « salaire » via le monopole de l’Etat est une rente non consentie par une large frange de la population qui en paie le prix, tantôt en monnaie sonnante et trébuchante, tantôt sous la forme de privations ou pénuries.  

J’ai le droit de chercher du travail. Personne ne peut m’en empêcher. Je n’ai pas le droit de forcé autrui à me verser un revenu via le monopole de la violence de l’Etat. Personne n’a l’obligation de me donner un job car, dans un tel cas, il ne s’agirait pas ici du libre exercice d’un droit et donc d’une liberté individuelle, mais de l’octroi d’un privilège, créant dès lors une caste de personnes mieux loties. Je ne suis plus dans une logique où mes clients consentent à me verser un revenu qui viendra constituer mon salaire, charges déduites, mais dans une logique d’agression via la confiscation par la voie fiscale et/ou législative d’une partie du revenu de l’un pour donner à l’autre privilégié. Il y a bel et bien une violation des droits naturels de l’individu dépouillé d’une partie de son revenu pour venir enrichir celui qui aura obtenu gain de cause. Cette violation est matérialisée par des prébendes et privilèges. Même dans le libre marché, je ne peux forcer autrui à me payer plus que le prix de l’utilité que ma contrepartie est prête à m’accorder pour le bien ou service que je mets en vente. Chercher un travail et offrir ses biens et services dans le cadre du libre-marché dans une approche mutuellement volontaire est parfaitement en harmonie avec le Droit Naturel. Revendiquer le « droit » au travail en obtenant un privilège d’Etat via la création d’une rente requalifiée en salaire est une violation pure et simple du Droit Naturel.

Cette clarification étant maintenant faite, penchons-nous un peu sur la question de la pension. Sa définition est très simple : il s’agit en fait d’une partie du revenu que l’on diffère dans le temps afin de s’assurer un revenu futur une fois la retraite arrivée. Je cotise aujourd’hui à échéances régulières (tous les mois par exemple) afin de percevoir un pécule pour mes vieux jours. En assurance, il s’agit d’une rente viagère qui s’éteint au décès de l’assuré bénéficiaire. A noter que le principe de la rente viagère en assurance repose sur la capitalisation. Les sommes que je verse tous les mois sont capitalisées et portent donc intérêts jusqu’à la date de la retraite où l’assureur passe du statut de créancier à celui de débiteur. Il paie la rente selon les termes du contrat passé avec le désormais retraité. Les premiers assureurs étaient en fait des caisses de secours mutuel apparues en Occident dès le moyen-âge et dont l’essor alla de pair avec la révolution industrielle dès la 2e moitié du 18e siècle. Cet ordre basé sur la responsabilité individuelle, la prévoyance et la libre contractualisation a été perturbé par l’apparition de la pension par répartition sous Bismarck au 19e siècle en Allemagne. Son principe repose sur le modèle suivant : les actifs cotisent via le paiement d’une rente aux non-actifs, càd les pensionnés. On assista donc progressivement à une éviction du système privé par capitalisation au profit du modèle étatique par répartition. C’est Hitler qui généralisera le monopole du système par répartition qui sera vite repris par le régime de Vichy. La France et la Belgique ne l’ont pas abandonné depuis. Les états européens, à des rares expressions près en raison de réformes (ex : la Suède), obéissent à ce modèle caractéristique de l’Etat-providence.

Le système de pension par répartition repose sur l’équation simplissime suivante : nombre d’actifs * cotisation moyenne = nombre de retraités * retraite moyenne. L’Etat se place donc comme la contrepartie unique vis-à-vis des cotisants et des bénéficiaires de cette rente qui n’ont plus vraiment à savoir comment, où et à quel prix tirer le meilleur rendement de leurs cotisations, ces dernières sont d’ailleurs passées du statut libre au statut forcé. Chaque allocataire potentiel n’est plus invité à l’exercice de ses propres droits naturels selon sa responsabilité individuelle et dans le respect des droits naturels d’autrui. Bien au contraire, chaque allocataire présent ou à venir se transforme en un lobbyiste ou mercenaire qui n’aura d’autres buts, à l’instar des nobles et aristocrates de l’ère précapitaliste, de quémander et obtenir prébendes et privilèges dus à son rang et à sa condition (du moins le pense-t-il avec conviction). On voit ainsi fleurir une multitude de régimes de pension d’Etat aussi complexes qu’inégaux et injustes, faisant la part belle aux politiques et à leur clientèle électorale, à savoir les fonctionnaires. C’est logique car ils ne résultent pas de la libre négociation entre les acteurs économiques. Ils n’émanent pas de la libre concurrence entre les parties, de la contractualisation volontaire, de la coopération sociale et du principe de non-agression. On comprend dès lors très vite comment ce système de pensions géré par le monopole de l’Etat dérive en une affreuse machine aux bureaucraties pléthoriques et procédures complexes en plus de provoquer lentement mais sûrement la désintégration sociale entre les individus de cette même société. La théorie fallacieuse de la pénibilité du travail est la conséquente directe du système étatique de pension par répartition où l’on préfère dépouiller son voisin plutôt que le servir. Plus grave encore, ce système de transfert des charges et rentes entre les travailleurs et les pensionnés est source de conflits intergénérationnels, d’autant plus exacerbé par l’inversion de la pyramide des âges, l’augmentation du chômage, la congestion du marché du travail en raison d’un code législatif complexe et surabondant et une fiscalité spoliatrice. Ceci nuit évidemment au développement du secteur privé au détriment du secteur public, ce qui contribue à accentuer la pression sur ceux qui produisent au profit de ceux qui vivent de la production d’autrui (avec en plus la sécurité de l’emploi pour ces derniers). L’effet d’éviction tend à accroître les exigences en termes de productivité vis-à-vis des salariés privés et indépendants qui se retrouvent dans une situation d’asservissement et travaillent dans des conditions de plus en plus pénibles à défaut d’une répartition équilibrée de la charge de production de bien et services réels. Il y a là tous les ingrédients pour un savant cocktail menant à terme à de graves conflits sociaux et à la révolution lors de l’effondrement du système qui n’est rien d’autre qu’un schéma de Ponzi.

Comme l’énonçait très justement l’excellent Frédéric Bastiat, « L’Etat est cette grande fiction à travers laquelle tout le monde veut vivre aux dépens des autres. » Il n’est donc pas étonnant que, dans ses conditions, un concept comme la pénibilité du travail est apparu sur toutes les lèvres avec, selon les opportunités offertes :
-         la diminution de l’âge de la pension,
-         l’introduction du concept de prépension,
-         la réduction des cotisations des uns pour augmenter celles des autres, voire même l’absence (ex. : pour les fonctionnaires communaux et provinciaux, la quote-part employeur n’étant pas versée par les communes et provinces),
-         la garantie de prestations plus élevées pour certains,
-         la mise en place conjointement d’un système par capitalisation pour les hautes castes (ministres, députés, sénateurs…).

Sans nier le caractère pénible de certains métiers tant au plan physique qu’au plan moral, on comprend très vite la teneur et l‘importance de cet argument fallacieux pour augmenter l’intrusion de l’Etat dans la vie des personnes jusqu’à régenter leur durée de carrière. Pour rappel, au-delà de 65 ans, les conditions d’exercice d’une activité rémunérée sont très limitatives même si les choses s’améliorent devant la faillite du système public.

Mais entrons maintenant dans le concept de pénibilité du travail. Porter des moellons tous les jours pendant huit heures est certainement éprouvant pour le corps. Néanmoins, de témoignage d’entrepreneurs dans la construction, ces basses mais néanmoins nobles tâches sont réservées aux jeunes manœuvres amenés à tester leur robustesse et leur motivation, les plus vieux et plus expérimentés étant dédicacés à des tâches plus génératrices de valeur ajoutée compte tenu du coût généralement plus élevé de leur propre travail. D’autant plus que des outils de portage et autres élévateurs existent pour alléger le travail.

Un job chez McDo peut être perçu comme rébarbatif, voire humiliant, surtout s’il est proposé à une personne diplômée. Il n’y a que des intellectuels à la recherche de la rente étatique (s’ils ne l’ont pas déjà trouvée…), en mal de reconnaissance publique et méprisant le libre marché (car ils n’y seront pas rémunérés à hauteur de leur prétendue grandeur) pour développer une telle image du marché du travail. Trouver un emploi, convaincre un employeur de vous rémunérer pour vos services, gagner ses premiers deniers, satisfaire la clientèle, affiner votre méthode de travail, gagner de l’expérience, apprendre à mordre sur sa chique, voilà ce que les premiers jobs vous enseignent ! Et si je dois me maintenir dans de tels emplois, je le fais sur base volontaire. Personne ne m’oblige à continuer. J’ajouterai aussi que les contraintes familiales et autres charges découlant d’une situation privée ne sont pas la responsabilité de l’employeur. Le salaire raboté par l’Etat et ses ponctions abusives ne relèvent pas de la responsabilité de l’employeur également (près de 250 EUR sont décaissés par l’employeur pour 100 EUR net en moyenne dans la poche du salarié belge).  Nous ne sommes pas sur terre pour vivre sur le compte d’autrui (sauf si c’est une relation librement consentie). Personne ne me doit une vie et des standards élevés. Egalement, ce n’est pas la fonction qui t’honore mais la manière dont tu la remplis.

Jusqu’après la moitié du 20e siècle en Belgique, l’extraction du charbon de manière manuelle était pénible et rébarbative en plus de se faire dans des conditions de travail déplorables. Les risques de blessures ou d’accidents mortels étaient élevés. On frémit d’horreur de nos jours à l’idée que femmes et enfants descendaient dans la mine et c’est tout à fait normal selon notre échelle de valeurs actuelle. Mais comment se fait-il que, de nos jours, même dans une Wallonie socio-économiquement très mal en point, plus aucun enfant, plus aucune femme ne doivent descendre à la mine ? Certes, la fermeture économique des mines peut être invoquée mais alors la région aurait dû être désertée. Or, il n’en en rien. La meilleure explication réside dans le concept de destruction créatrice de Joseph Schumpeter. Des industries disparaissent ou se restructurent en profondeur tandis que d’autres apparaissent sur fond d’innovation et de recherche et développement. Mais ce processus n’est possible qu’à travers l’accumulation du capital et l’augmentation de l’investissement en capital par personne dans des nouveaux secteurs et créneaux porteurs. Il faut du capital pour alimenter la dynamique créatrice et productive, ce qui implique de payer les salaires idoines au fur et à mesure que les profits sont générés. Il faut dire que, vu le code du travail, la fiscalité spoliatrice, le coût du travail, le terrorisme syndical et les conditions d’accès au permis d’exploitation, ce processus a été largement freiné. Nous vivrions plutôt sur nos chers acquis en ce moment, ce qui nous amène à consommer le capital accumulé et à nous rendre la vie pénible à nouveau dans un futur proche. Que penser de tous ces freins à l’innovation non par manque de capitaux (étrangers, notamment) devant le principe de précaution cher aux écologistes de tout bord ? Ce ne rien d’autre qu’un frein à la disparition de la pénibilité du travail. Quasiment plus personne ne meurt dans les mines de charbon exploitées en Europe de nos jours, très souvent à ciel ouvert d’ailleurs. Seuls ceux qui ont décidé de continuer à les exploiter à l’ancienne façon Germinal (cf. le roman d’Emile Zola) - comme c’est le cas dans l’ouest de la Chine où en moyenne 3 000 mineurs meurent tous les ans – sont un exemple criant de pénibilité du travail faute d’investissements et de liberté d’entreprendre. Leur travail est pénible et dangereux mais c’est justement le manque de capital et d’investissement dans des outils modernes qui est à blâmer, en plus d’une absence de liberté d’entreprendre et donc d’innover.

Et de grâce, épargnez-moi le couplet naturaliste larmoyant du paradis sur terre et de la corne d’abondance où nous vivions tous en paix et en harmonie en tenue d’Eve dans un passé lointain. Ce cas de figure n’a jamais existé (sauf peut-être pour ceux qui croient à la Bible mais cela ne constitue pas  un raisonnement et une démonstration scientifiques). A l’aube de l’ère industrielle, une femme sur cinq mourait en couche et le taux de mortalité infantile était très élevé. Les conditions de vie – ou plutôt de survie – étaient particulièrement pénibles (le concept de pénibilité prend ici tout son sens). Ceux qui nous peignent le tableau de la brave mère de famille préparant à manger pour les enfants alors que monsieur travaillait vaillamment mais sainement aux champs sont des affabulateurs et des révisionnistes de l’histoire. Les mères n’avaient tout simplement pas de quoi cuisiner et, dans la plupart des cas, ne disposaient même pas d’une cuisine et des ustensiles ad hoc. En 1760, la Grande-Bretagne comptait environ 7 millions d’habitants pour 1 million de gens dans un état de misère. Ces personnes défavorisées n’avaient que l’industrie de leur bras et leur dur labeur à offrir pour sortir de cet état. Ce qui fut fait en grande partie puisque, dès 1830, la Grande-Bretagne comptait près de 15 millions d’habitants avec des conditions de vie en nette amélioration pour les travailleurs. Les progrès de l’industrie du textile, de l’agriculture et du commerce d’import/export ont engendré des bénéfices qui ont permis l’accumulation de capitaux. Capitalistes et entrepreneurs se faisant la compétition pour attirer les meilleures travailleurs, ceci a tiré les salaires à la hausse, notamment sous la pression haussière provoquée par l‘augmentation du capital investi par personne. Même les entrepreneurs et capitalistes non présents dans les industries les plus florissantes ont dû concéder des hausses salariales afin de retenir la main-d’œuvre nécessaire dans leurs secteurs respectifs. Il y avait une plus grande quantité de biens produits dont les prix allaient decrescendo au fur et à mesure que leur offre augmentait pour satisfaire entre autres la demande des travailleurs.

De plus, nous étions passés d’une ère de castes basées sur des privilèges de rang dont il était quasiment impossible de se défaire à une ère industrielle et capitaliste où il était maintenant possible d’améliorer ses conditions de vie en servant ses congénères sur base volontaire sans avoir à les tuer et les dépouiller. Il n’est d’ailleurs pas étonnant de lire les témoignages de la plupart des nobles et conservateurs de l’époque qui abhorraient le système capitaliste de laissez-faire axé sur la propriété privée des moyens de production, y voyant là la perte de leurs privilèges d’Etat sur lesquels ils avaient bâtis et maintenus leurs fortunes et patrimoines. Désormais, la situation pouvait basculer rapidement si vous étiez incapables de gérer votre capital ou d’en confier la gestion à des personnes capables de détecter les besoins des consommateurs et d’y satisfaire à moindre coût. Le concept de servitude était remplacé par celui du libre-marché, par celui des relations commerciales librement consenties.   

Si l’on remonte plus loin encore dans le temps, hommes, femmes et enfants évoluaient dans un environnement encore plus hostile, devant affronter les saisons, la faune cruelle et la flore peu encline à leur assurer le minimum de subsistance pour une espérance de vie dérisoire. Le voilà le paradis sur terre auquel nos ancêtres étaient confrontés quand ils n’étaient pas pillés et taillés en pièces par quelques barbares venus du grand nord ou des soudards issus de la principauté voisine.

L’économie de libre marché, la propriété privée consacrée par des institutions immuables et la parfaite souplesse du marché du travail sont les leviers nécessaires pour accéder à des standards de vie plus élevés, y compris des méthodes de production moins pénibles pour les individus. Réclamer de l’Etat d’intervenir dans l’économie à tout-va, de provoquer des distorsions dans le système de formation des prix, de freiner voire stopper l’innovation, d’empêcher l’accumulation du capital, d’entretenir un système de politiques, fonctionnaires et transferts sociaux croissants… aura pour résultat de nous rendre la vie bien pénible. Surtout celle de nos enfants et de nos petits-enfants.

[1] « La plupart des gens qui ont lu le Manifeste du Parti Communiste ne réalisent probablement pas qu’il a été écrit par deux jeunes hommes qui n'avaient jamais travaillé un jour de leurs vies, et qui néanmoins parlaient hardiment au nom des "travailleurs". » - Thomas Sowell


 

mercredi 16 octobre 2013

L'Homme, l'Economie et l'Etat - Murray Rothbard (1926-1995)

Chaque semaine, contrario vous conseille un ouvrage tiré de la grande bibliothèque du libéralisme. Il s’agit ici de L’Homme, l’Economie et l’Etat par Murray Rothbard (1926-1995) aux éditions Charles Coquelin.  


Publié initialement en 1962 en américain, ce magnum opus de Murray Rothbard est l’un des plus grands traités d’économie de l’école autrichienne au même titre que L’Action Humaine de Ludwig von Mises. Véritable somme des principes économiques, il examine tous les sujets traditionnels de cette science : choix, échange, monnaie, consommation, production, distribution, cycles, organisation industrielle et politique économique. Il propose une discussion des grandes approches contemporaines et fournit une critique de fond de la modélisation en micro-économie et macro-économie.

L’auteur nous fait comprendre que la science économique n’est pas une simple "boîte à outils" intellectuelle dans laquelle se juxtaposent des modèles et hypothèses souvent sans rapport, voire contradictoires. Elle est la science des lois économiques – des relations invariables entre cause et effet dans les actions individuelles et dans les rapports sociaux. Ces lois admettent une description exacte, cohérente et systématique. L’Homme, l’Économie et l’État en fournit la preuve.

Lien vers l’édition française :

mardi 15 octobre 2013

Le FMI prépare les esprits à la chypriotisation de l’épargne européenne.

Auteur : Pascal Comas
Mise en ligne : 15 octobre 2013

Le FMI vient de livrer à tous les gouvernements de cigales la caution qu’ils attendaient pour opérer leur rapine.



Depuis le 9 octobre 2013 nous savons quelle est la méthode envisagée par les technocrates et hauts fonctionnaires qui nous « administrent » pour adapter le hold-up étatique (ou chypriotisation de la dette) à l’ensemble de la zone européenne et peut-être au-delà. Nous savons également quelle tactique a été adoptée pour commencer à préparer l’opinion : la partition commence avec une « simple suggestion à caractère «théorique» » du FMI.

Le FMI, c’est cette institution de hauts fonctionnaires sans aucun mandat démocratique, très cher payés pour voir venir les dangers et qui ne voient rien venir. Une institution supposée être un repère de néo-libéraux alors que Olivier Blanchard et Christine Lagarde sont des keynésiens convaincus. Une organisation qui récemment encore mettait en garde le Royaume Uni contre ses économies budgétaires (accusant le ministre des finances de jouer avec le feu) et lui préconisait une politique de relance keynésienne en prévoyant une croissance de 0,7% seulement. Elle prévoit à présent une croissance de 1,4% (le double) et a changé sa rhétorique. Bref le FMI est une organisation qui coûte cher, passe son temps à se tromper et à réviser ses prévisions, est supposée anticiper les crises mais souvent contribue à leur développement, et dont le biais idéologique est clairement en faveur des politiques keynésiennes (États forts et relance par la dette), tout en étant accusé d’ultralibéralisme par les gens de gauche.

Une nouvelle mission du FMI semble être depuis le 9 octobre d’avancer sur la table et de donner un cachet d’ »experts » à la prochaine « solution » permettant aux politiques, banquiers centraux et banques « too big to fail » de régler ce problème de dette-qui-devient-enquiquinant-à-la-fin ! Une solution qui devrait leur permettre d’éviter faillites bancaires et défauts des États sans que les politiques aient un seul instant à assumer leurs responsabilités pour les montagnes de dettes qu’ils ont créées bien avant la crise des subprimes, pour des raisons purement démagogiques joliment emballées dans des recommandations d’ »experts » keynésiens.

Car ne croyons pas une seconde que cette « simple suggestion à caractère «théorique» » est autre chose que le gong d’ouverture de la plus grande opération d’oppression technocratique de l’histoire – hors dictatures et sorties de guerre. Et même dans les périodes exceptionnelles post-conflits, malgré les tentatives des gouvernements européens, seule l’Italie a finalement pu appliquer une telle solution au sortir de la première guerre mondiale, et le Japon après la seconde guerre mondiale.

Pour bien se rendre compte à quel point le sort des citoyens, qui ont travaillé dur pour mettre un peu d’argent de côté, est à la merci de fonctionnaires sans foi ni loi dont le seul mode de fonctionnement est de protéger la caste à laquelle ils appartiennent, il faut bien se pénétrer de l’observation suivante : le FMI a l’indécence de mettre une telle idée sur la table alors qu’il n’a mis aucune réelle pression sur la France pour se réformer et réduire les dépenses des administrations, et en dépit du fait que tout le monde, Cour des Comptes comprise, s’accorde sur ce sujet. La population française (fonctionnaires, chômeurs professionnels et assistés mis a part – oui je sais ça fait du monde) est soumise a une ahurissante oppression fiscale parce que le gouvernement actuel ne souhaite prendre aucune mesure défavorable aux… fonctionnaires, chômeurs professionnels et assistés ! Et visiblement les fonctionnaires du FMI ne souhaitent pas trop insister sur des solutions (réduire les dépenses) qui ne sont pas favorables a leur caste.

La pression fiscale actuelle est souvent pénible pour les classes moyennes qui n’ont pas ou peu de réserves pour faire face aux ponctions sans que cela affecte leur quotidien. Mais elle est encore plus extrême en proportion pour les patrimoines les plus élevés qui supportent des taux marginaux d’IR dignes de pays communistes et un ISF venant ratiboiser chaque année ce qui reste de capital. Un chef d’entreprise voit la richesse qu’il crée ponctionnée des dizaines de fois, depuis la TVA, les charges patronales, la CSG, l’IS, puis l’IR, l’impôt sur les dividendes, et enfin l’ISF (combien de dizaines de taxes ai-je oublié ?). Mais il faudrait encore que ce qui lui reste après un tel racket fiscal soit ponctionné à hauteur de 10, 20 ou 30% ? Et sans contrepartie par dessus le marché ? Ceux qui émettent de telles « simples suggestions à caractère «théorique» » se rendent-ils compte que les voyants ont dépassé le rouge depuis longtemps, et que les droits de propriété étant déjà bafoués en France depuis des lustres, cette suggestion est tout simplement insupportable ?
Comment peut-on envisager une seule seconde de prélever 30% ou même 20% des économies de citoyens qui déjà contribuent comme des esclaves aux débauches dépensières d’une caste d’énarques dont le cynisme politique le dispute à l’incompétence économique totale ?

Les Français, peuple d’épargnants, ont été amenés à concentrer leurs économies sur deux produits qui sont à peu près les seuls à être relativement épargnés – tout est relatif – par le matraquage fiscal tout azimut : le Livret A et l’assurance-vie. Bien entendu les politiques lorgnent avec envie sur ce trésor qui leur permettrait de sortir du surendettement et continuer à gagner des élections en promettant des mesures faisant de nouveau exploser l’endettement. Le FMI vient de livrer à tous les gouvernements de cigales la caution qu’ils attendaient pour opérer leur rapine sans que cela ait trop l’air d’un troussage de bandits de grands chemins. Laissons ici la parole à Simone Wapler :

« La « solution » du FMI ne résout pas la situation de surendettement puisqu’elle se contente de nous faire revenir à la case 2007. Or la crise de 2007 s’est produite à cause du surendettement. Depuis, on a aggravé la situation en transférant des mauvaises créances du privé vers le public (bilan des banques centrales). Revenir à la situation de pré-crise en prétendant que tout ira bien ensuite est donc absurde. Quoiqu’il en soit, cette note du FMI permet désormais aux gouvernements de justifier toutes les « chypriotisations » futures. Nous entendrons alors « nous ne faisons rien d’autre que d’appliquer les recommandations du FMI ».

Parions maintenant que la commission européenne va y aller de son petit commentaire du genre « Ah oui, tiens, on n’y avait pas pensé, mais c’est la solution la moins hypocrite ! » Car il va falloir en plus remercier ces messieurs de nous préserver ainsi de l’hypocrisie de l’inflation ! C’est sûr : dépouiller a coups de gourdin est moins hypocrite que de verser deux fois moins de vin dans le verre a chaque repas.

Ne parlons pas de la majorité des écono-marx-istes qui vont y aller de leurs variations sur les infinies vertus de cette solution. Gageons enfin que la participation de tous les épargnants étant politiquement délicate vu le nombre de mécontents qu’elle pourrait engendrer, notamment parmi les fonctionnaires, le périmètre des contributeurs sera finalement réduit aux plus gros patrimoines sur lesquels le pourcentage prélevé sera augmenté. Ils seront bien entendu révoltés, mais ils sont une minorité et l’État a le monopole de la violence, donc ce sera pesé et emballé !

L’intolérable situation actuelle, anticipée par Alexis de Tocqueville (1805-1859), a été remarquablement exprimée par Friedrich August von Hayek (1899-1992), et nous ne pouvons mieux faire que de lui laisser la parole pour conclure ce billet :

« La démocratie est devenue un fétiche : le dernier tabou sur lequel il est interdit de s’interroger. Or c’est à cause du mauvais fonctionnement de la démocratie que les États modernes sont devenus envahissants. (…) À l’origine, en démocratie, les pouvoirs de l’État, contrairement à la monarchie, étaient limités par la Constitution et par la coutume. Mais nous avons glissé progressivement dans la démocratie illimitée : un gouvernement peut désormais tout faire sous prétexte qu’il est majoritaire. La majorité a remplacé la loi. La loi elle-même a perdu son sens. Principe universel au départ, elle n’est plus aujourd’hui qu’une règle changeante destinée à servir des intérêts particuliers : au nom de la justice sociale ! Or la justice sociale est une fiction : personne ne sait en quoi elle consiste. Grâce à ce terme flou, chaque groupe se croit en droit d’exiger du gouvernement des avantages particuliers : c’est une baguette magique. En réalité, derrière la « justice sociale », il y a simplement l’attente semée dans l’esprit des électeurs par la générosité des législateurs envers certains groupes. Les gouvernements sont devenus des institutions de bienfaisance exposées au chantage des intérêts organisés. Les hommes politiques cèdent d’autant plus volontiers que la distribution d’avantages permet d’”acheter” des partisans. Comme cette distribution profite à des groupes isolés tandis que les coûts sont répartis sur l’ensemble des contribuables, chacun a l’impression qu’il s’agit de dépenser l’argent des autres. Cette asymétrie entre des bénéfices visibles et des coûts invisibles crée l’engrenage qui pousse les gouvernements à dépenser toujours plus pour préserver leur majorité politique. Dans ce système que l’on persiste à appeler « démocratique », l’homme politique n’est plus le représentant de l’intérêt général ; il est devenu le gestionnaire d’un fonds de commerce. Sur le marché de l’opinion publique, les partis cherchent à maximiser leurs voix par la distribution des faveurs. (…) Ils se définissent plus par les avantages particuliers qu’ils promettent que par les principes qu’ils défendent. (…) La démocratie devient ainsi immorale, injuste et totalitaire : les individus ne sont plus autonomes mais drogués, dépendants des bienveillances de l’État. (…) La démocratie s’est dégradée parce que nous avons confondu, comme le craignait déjà Tocqueville, idéal démocratique et tyrannie de la majorité. »  - F.A. Hayek – entretien avec Guy Sorman – Figaro Magazine du 18 juin 1988. 

mercredi 9 octobre 2013

Dénationalisation de la Monnaie - F.A. von Hayek (1899-1992)

Chaque semaine, Contrario vous conseille un ouvrage tiré de la grande bibliothèque du libéralisme: Dénationalisation de la Monnaie par F.A. von Hayek (1899-1992).


Gérard Dréan de l’Institut Turgot nous le présente ainsi: En 1976 (il avait alors 77 ans), Hayek estima urgent de prendre position contre le projet d’une monnaie européenne unique. Pour cela, il interrompit la rédaction du tome III de Law Legislation and Liberty pour écrire un livre méconnu intitulé « Denationalisation of money : the argument refined », où il propose comme alternative la libre concurrence entre monnaies.

Hayek part des thèses autrichiennes bien connues : l’inflation est un mal absolu car elle empêche un calcul économique correct et provoque des désajustements et des « malinvestissements » qui, s’ils se prolongent, ne peuvent se résoudre que par des crises ; l’inflation résulte d’une création excessive de monnaie, et ce sont les gouvernements qui en sont responsables. Il y ajoute trois idées simples :
1. toute personne qui peut produire de la monnaie a intérêt à en produire le plus possible
2. la monnaie est un bien comme un autre
3. pour tous les autres biens, ce qui ajuste la production aux besoins, c’est la concurrence.

Hayek admet d’emblée le caractère utopique de cette proposition. Contrairement à la monnaie unique, elle est certes extrêmement facile à mettre en place : il suffit d’abroger certaines dispositions légales ou réglementaires. Mais là est aussi l’obstacle principal. Pour simple qu’elle soit, cette action relève nécessairement des gouvernements, qui la considéreront comme suicidaire. Même si, dans un éclair de lucidité, ils l’entreprenaient, les fonctionnaires des Finances et de la Banque Centrale se mettraient immédiatement en grève illimitée, et le chœur des économistes crierait au fou en annonçant que ce serait l’apocalypse économique.

Mais Hayek n’en a cure : « Je pense fortement que la tâche principale du théoricien de l’économie ou du philosophe politique est d’agir sur l’opinion publique pour rendre politiquement possible ce qui est peut-être aujourd’hui politiquement impossible, et par conséquent l’objection que mes propositions sont actuellement impraticables ne me décourage pas le moins du monde de les développer ». Une fois qu’on a identifié cet obstacle, il faut le supposer franchi et développer la suite du scénario pour convaincre de sa validité, afin justement que l’obstacle initial puisse être surmonté un jour.

Lien vers la version anglaise téléchargeable gratuitement: http://mises.org/document/3970 

mercredi 2 octobre 2013

Le libéralisme brade-t-il ses valeurs?

Auteur : Charles De Smet
Mise en ligne : 3 octobre 2013 

Le libéralisme est aujourd'hui confronté au pourrissement de la démocratie, qui n'est plus qu'une succession de compromissions entre des groupements d'intérêts aux ambitions contradictoires, et qui vendent leurs votes pour des intérêts de castes, sans se soucier des intérêts individuels, dont seule la somme constitue l'intérêt général. Des fonctionnaires voteront pour ceux qui leur promettent plus de privilèges et encore moins de travail, des commerçants voteront pour ceux qui leur font miroiter moins d'impôts et plus de policiers, les chômeurs voteront pour ceux qui s'engagent à augmenter leurs indemnités en diminuant les exigences, etceux qui ont la chance de travailler voteront pour ceux qui prétendent augmenter leur salaire "net" en imposant la charge des avantages sociaux aux entrepreneurs.


Faute d'une refondation totale du fonctionnement de la démocratie, par exemple en responsabilisant les citoyens, ou en liant le financement des partis aux revenus de leurs adhérents (et non aux nombres de votes), le libéralisme doit choisir entre deux voies radicalement différentes. Soit il devient accommodant, complice, naïf. Soit au contraire il reste ferme sur ses principes, s'oppose à toute compromission, et demeure résolument critique à l'égard de toute enfreinte à ses principes, aussi minime soit-elle.

L'attitude à adopter face à la propriété est une parfaite illustration. Pour les authentiques libéraux, la propriété individuelle est la base même du fonctionnement de la communauté, et de la possibilité d'accroître le bien-être de tous. Sans respect du droit de propriété, il ne peut y avoir de liberté. En effet, si Paul peut s'emparer de la propriété de Pierre, ou le contraindre à la partager, il n'y a aucune liberté possible pour Pierre. Ni pour Paul d'ailleurs, puisque Pierre pourrait parfaitement agir envers lui comme il a agi lui-même. Et ceci reste vrai même si Pierre et Paul ont "voté" pour un chef qui, ensuite, répartit les biens selon son bon vouloir.

Mais ce droit de propriété est d'autant plus bafoué aujourd'hui que l'Etat a choisi de baser une part de plus en plus grande de ses revenus sur la valeur des propriétés. Ce sont non seulement les taxes à l'achat et à la vente. Ce sont aussi les prélèvements sur les plus-values, les taxes foncières et d'habitation, et toute la collection des prélèvements sur la valeur.

Il ne faut pas entendre ici que le libéralisme rejette toute taxation destinée à entretenir la part des infrastructures communes qu'utilise, par exemple, tout occupant d'un logement. Mais la seule manière justifiable de percevoir la quote-part de ces frais est, bien évidemment, sur les revenus de l'utilisateur, et certainement pas sur la valeur de son bien.

On voit immédiatement la cohérence au centre du libéralisme (et, par comparaison, la confusion dans les méthodes de taxation pratiquées par les administrations). Dans les pays où des bulles immobilières ont enflé, puis explosé, les fonctionnaires ont allégrement encaissé des revenus artificiels au cours de la période de hausse, jusqu'à l'effondrement total des ventes et des recettes, et le blocage total du marché. Si l'ensemble des taxes avait été perçues sur les revenus des citoyens, les recettes des États et des administrations locales n'auraient que faiblement augmenté dans le temps, ce qui est certainement plus justifiable d'un point de vue moral (autant qu'économique!) que des revenus publics dépendant d'effets d'aubaine et d'évaluations artificielles.

Toute compromission du libéralisme avec les méthodes actuellement pratiquées, dans ce domaine comme dans tous les autres, aboutit à son affaiblissement. Abandonner une partie de sa liberté, c'est cesser d'être libre. Un parti authentiquement libéral, s'il veut faire partie d'un gouvernement, doit absolument imposer cette évidence. Et donc refuser toute mesure qui n'irait pas dans le sens d'une élimination des pratiques actuelles, et d'une refondation complète du processus démocratique.

La France est un exemple parfait d'une construction de plus en plus complexe, destinée à dissimuler plus de trente ans de gabegie. Et les conservateurs sont à peine moins responsables que les socialo-communistes de cette fuite en avant. Pour les premiers, seul l'État peut décider des secteurs où innover, embaucher, investir. C'est le "Concorde", le "France", les "grands travaux", les "entreprises d'État". Pour les seconds, il suffit de taxer ceux qui réussissent pour que seul l'État ait les moyens d'embaucher. C'est l'enseignement, les contrôles, les revenus de remplacement, les emplois "aidés".

Le libéralisme lutte contre l'un et l'autre, le conservatisme et le collectivisme. Comme l'écrivait Cécile Philippe, directrice de l'Institut Molinari, dans une Tribune récente publiée dans Le Figaro ("Fiscalité: l'idéologie à la manœuvre", 1er octobre 2013):

"L'État prend d'une main ce qu'il redonne de l'autre comme si ce passage obligé par la case "État" sanctifiait le revenu obtenu. Or, c'est justement là que le bât blesse. La fiscalité et les subventions - loin de glorifier la création de richesse - suscitent toutes sortes d'effets pervers qu'il est grand temps de considérer avec sérieux".

Tout cela est très vrai, et le libéralisme doit défendre, sans compromis aucun, toute politique qui supprime perceptions et subventions, taxes et aides, impôts et revenus de remplacement. Or Mme Philippe continue son article en défendant les niches fiscales. Et ceci sous le prétexte que celles-ci sont "des moyens octroyés au fil du temps par les pouvoirs publics pour rendre la pression fiscale et sociale plus supportable".

Tenter de "justifier" une partie de l'équation "État", c'est défendre la totalité du système. Citons un exemple belge: une pression fiscale extrême, qui fait du Royaume surréaliste d'Ubu le détenteur du record mondial des "prélèvements obligatoires", a amené l'État et ses multiples déguisements à voler plus de 50% des revenus, même les plus modestes. Ce taux est en effet appliqué dès 3.000€ mensuels. Offrir en contrepartie de cette prédation des "chèques-restaurants", ou des "éco-chèques", ou encore des "voitures de fonction" traités plus "favorablement" du point de vue fiscal, est une aberration et une hypocrisie. Un voleur qui cambriolerait toute ma maison, puis viendrait me "rendre" une bricole sans valeur, reste un criminel. Un vrai libéral exigera à la fois la baisse des prélèvements et l'élimination des "restitutions" partielles.

Certes, comme le dit le titre de la Tribune de Mme Philippe, "l'idéologie est à la manœuvre". Mais ce sont les idéologies de droite et de gauche qui sont à la manœuvre. Ce qui gouverne aujourd'hui est une idéologie étatique. Le libéralisme, quant à lui, n'est pas une idéologie. Il ne demande que le rétablissement des libertés individuelles. C'est-à-dire de ces vraies "valeurs républicaines", celles de la Révolution Française: "Liberté, Propriété, Sécurité et Résistance à l'Oppression". Les fausses valeurs inventées plus tard, et dont nous rabâche l'État, lui ont permis d'étendre ses tentacules jusqu'à étouffer la société. "Égalité" et "Fraternité" ne sont en effet que des ersatz destinés à masquer la nuisance de l'État, en lui permettant de mener nos vies à notre place, en prétendant imposer l'égalité et se substituer à la fraternité.

mardi 1 octobre 2013

Billet d'humeur: Laissez nos vaches en « pet » !

Auteur : Didier Vanderbiest, vétérinaire à Tellin (Belgique)
Mise en ligne : 1er octobre 2013


La vache mâchonnait paisiblement son repas tout en regardant nonchalamment passer le train. Les herbes qu’elle avait broutées auparavant avaient été partiellement digérées dans sa panse par des bactéries anaérobies.

Elle broyait à nouveau son bol alimentaire afin d’en extraire encore davantage de substance nutritive. Tout à son travail, la vache ne se rendit même pas compte qu’elle venait de roter et de libérer, parmi d’autres gaz, un peu de méthane. Ce gaz à effet de serre, qui n’est rien d’autre que notre bon vieux gaz naturel ou notre biogaz favori, est devenu aujourd’hui le cheval de bataille des écologistes climatistes qui le présentent comme la dernière réincarnation du Mal.

Tandis que l’innocence du CO2, condamné sans jugement, ni preuves scientifiques aucunes, comme responsable principal d’un hypothétique réchauffement climatique dû à l’Homme, se révèle de jour en jour plus évidente, effritant graduellement les thèses alarmistes de certains membres du GIEC (groupe d’étude de l’ONU sur le climat), il fallait absolument trouver un autre coupable. Qui, mieux que le méthane, pour faire l’affaire?

Ce gaz, inodore et incolore, est déjà bien connu pour les nombreuses victimes qu’il a faites, depuis les mineurs de fond qui succombaient aux coups de grisou, jusqu’à la tragédie de Ghislenghien. Pauvre méthane! On le déteste par avance. Ajoutons qu’il fait partie des gaz à effet de serre et la haine du peuple à son égard s’accroît. Le fait qu’il soit 21 à 25 fois plus puissant que le CO2 dans sa capacité à réchauffer la Terre sur une période de 100 ans est une preuve suffisante pour réclamer la peine capitale à son égard. Il faut en finir avec le méthane ou, au minimum, diminuer drastiquement sa quantité dans notre atmosphère!

Oui, mais voilà. Le méthane est notre gaz de chauffage. Il est aussi le produit de base principal de l’industrie pétrochimique qui le transforme en une myriade de produits finis, allant des médicaments aux vêtements en passant par l’automobile, les plastiques et l’informatique, sans lesquels notre société péricliterait et nous retournerions vivre à l’état de bêtes sauvages.

Bêtes, dites-vous? Les ruminants produisent bien du méthane, non? Pourquoi ne pas faire d’une pierre deux coups: en diminuant la quantité de bovins, on diminuerait la production de méthane et donc, son action sur l’augmentation de la température du globe. Mais en même temps, on inciterait les gens à manger moins de viande. C’est mieux pour leur santé, non? Et puis, ces pauvres bêtes ne devraient plus être abattues. Un pas de plus serait franchi dans la bonne voie : tous végétariens, une direction prônée par de nombreuses ONG écologistes.

C’est dans ce sens que des calculs et statistiques savantes ont été avancés pour diaboliser encore davantage le méthane et surtout, l’élevage. Combien de blagues de potache ne voit-on pas à propos du méthane produit par nos vaches! À ce sujet, une petite correction s’impose: nos bovins rejettent le méthane principalement (95 %) en rotant. Pour cela, il vaut donc mieux être derrière une vache que devant.

Entre 1984 et 2011, le méthane dans l’atmosphère, ramené en équivalent-CO2 en tenant compte de son pouvoir réchauffant 25 fois plus important, a augmenté de 10 fois moins que le CO2 lui-même; les ruminants n’étant responsables que de 20 % des émissions de méthane, il apparaît évident que leur rôle est totalement insignifiant.

L’innocence du CO2 dans le réchauffement climatique anthropique devenant de plus en plus évidente, diaboliser un gaz produit en si faible quantité et dont l’effet de serre global se situe dans la marge d’erreur, est donc une hérésie scientifique. En déduire et clamer à tous vents qu’il faille drastiquement réduire l’élevage de Blanc-Bleu-Belge et notre consommation de viande pour sauver la planète est non seulement absurde mais est aussi une atteinte directe à notre liberté individuelle. Manger de la viande ou non est un choix personnel. Se nourrir de riz l’est tout autant.

Que ceux qui veulent être végétariens ou végétaliens, ne manger que des lentilles ou du tofu, ne sucer que des graines de lin ou de pastèque, le fassent. Mais qu’ils respectent le choix de ceux d’entre nous qui, devant un steak juteux, salivent de bonheur. Laissez nos vaches en pet.

La Grève, Editions Belles Lettres – Ayn Rand (1905-1982) – traduction par Sophie Bastide-Foltz

Chaque semaine, Contrario vous recommande un ouvrage tiré de la grande bibliothèque du libéralisme. Ici, il ne s’agit pas d’une œuvre théorique et académique mais d’un roman écrit par l’auteure américaine Ayn Rand (1905-1982). Roman philosophique paru en 1957, ce magnum opus s’est vendu à plus de 10 millions d’exemplaires et a été traduit en 17 langues. Il est à noter que la traduction française accomplie par Sophie Bastide-Foltz est de très grande qualité.


Cette œuvre prémonitoire nous avertit quant à la longue et inéluctable marche vers le collectivisme lorsque les individus abandonnent tout goût de l’effort, tout respect de la propriété privée et toute rationalité. C’est la raison qui doit prévaloir dans les rapports entre les hommes et les femmes,  et nul ne doit vivre aux crochets d’autrui. Cette image de l’homme libre et indépendant, exploité par les bureaucrates, jalousé par ses paires moins talentueux, Ayn Rand nous en dresse le parfait profil dans une société américaine en plein délitement où les étatistes confisquent progressivement les libertés civiles et exproprient les possédants et les créateurs. C’est d’ailleurs sur base de ce constat qu’un groupe d’entrepreneurs prendra le maquis et provoquera, par son absence, une accélération de l’effondrement de la société. Les capables disparaissent mystérieusement peu à peu, sans laisser de traces, tandis que les pillards de l’Etat étendent leur influence néfaste et nouent des liens corporatistes avec des entrepreneurs plus opportunistes que talentueux. Mais l’héroïne Dagny Taggart et le brillant Hank Rearden luttent dans ce monde en déroute, en quête d’une seule réponse : qui est John Galt ?