mercredi 29 mai 2013

Pourquoi l’Etat n’a pas à se mêler des arts et de la culture : un bref argumentaire.

Auteur : Thib13
Mise en ligne : 29 mai 2013

Dans la tête du commun des mortels évoluant dans nos vieilles économies occidentales, il est monnaie courante d’accepter le subventionnement des arts et de la culture via les fonds publics. Les arguments sont toujours les mêmes : sans subventions, comment les arts et la culture pourraient-ils éclore, vivre et survivre ? Comment les masses pourraient-elles y avoir accès ? Et c’est de sophisme en sophisme que nous naviguons dans le discours prémâché de nos grands défenseurs de l’intervention publique. Pourtant, à la réflexion, les arts et la culture ont-ils toujours été subventionnés ?


Pour rappel, les arts et la culture sont au sommet de la pyramide des besoins. Les besoins de base (nourriture, gîte et protection) une fois assurés, l’ascension de notre apprenti-cultureux peut se poursuivre pour, une fois le stade ultime de la désutilité du travail atteint, l’épargne et le budget "arts et culture" constitués, allouer ce surplus à un acte de consommation oisif mais rencontrant néanmoins les préférences de la personne.

En Grèce et Rome antiques, ce privilège était souvent réservé aux aristocrates, gouvernants et riches marchands. Néanmoins, des théâtres de rue et prestations musicales non subventionnés étaient déjà connus. L’utilisation des fonds publics à des fins de distraction du peuple rencontrait déjà un succès de foule et assurait aux gouvernants une relative tranquillité ainsi que  l’estime de ses citoyens. Panem et circenses (du pain et des jeux) est un leitmotiv éprouvé qui trouve toujours ses débouchés sous d’autres formes de nos jours.            

Ne nous y trompons pas. Derrière des intentions louables se cachent d’autres intentions tout à fait inacceptables et liberticides.

Violation de la propriété privée par extorsion fiscale

Tout a un coût. Rien n’est gratuit. Même l’entrée du concert généreusement financé par monsieur le Bourgmestre. Ce dernier présente en fait la facture aux citoyens via le budget de la municipalité et lève des taxes et impôts locaux pour assurer son financement. Il n’y a pas de secret. Le concert, si vous n’y assistez pas, vous participez quand même au paiement de la douloureuse.

Voyez le budget de la culture dans vos pays respectifs. Ça se chiffre en centaines de millions d’euros et beaucoup de dépenses de la sorte sont masquées dans divers budgets locaux ou supranationaux. Pensez aux carnavals sponsorisés par l’Unesco dont le budget est financé par vos contributions fiscales.

Il faut donc la violence fiscale de l’Etat pour vous prélever une partie du fruit de votre travail ou encore opérer une ponction sur votre patrimoine pour financer les arts et la culture.

Une démarche anti-démocratique

Le fait d’imposer un événement artistique ou culturel financé sur fonds publics tient compte au mieux des goûts de la majorité, au pire des goûts d’une minorité omnisciente (cfr le cinéma francophone pseudo-intello où les frères Dardenne raflent les subventions et les prix du jury mais n’obtiennent jamais le plébiscite du public vu le faible nombre d’entrées…). Dans les 2 cas de figure, les goûts de l’individu ne sont pas pris en compte alors que ce dernier doit participer aux frais. On ne lui a pas accordé la liberté d’exprimer son vote démocratique en dépensant librement l’argent laissé dans sa poche pour des activités culturelles ou artistiques de son choix. Ou en choisissant de ne rien dépenser du tout, ce qui est aussi sa liberté. Même un grand référendum municipal ou national, pour autant qu’il soit possible, ne se montrera pas aussi démocratique que l’exercice des libertés individuelles car il y aura toujours au moins une unité (un individu) exprimant son désaccord sur un projet.


Par ailleurs, il est fréquent de voir que José le bon Wallon préfère dépenser ses petits sous dans un abonnement du Standard plutôt que se rendre à l’exposition d’art dont l’entrée est gratuite (mais pas le financement). Tout simplement parce qu’il se moque peut-être éperdument des arts et de la culture et c’est son droit. Il n’a pas à payer pour cela s'il n'en a pas exprimé la volonté. Dans le même ordre d’idée, sa femme exprimera sa préférence en payant 100 euros pour un ticket de concert de U2 pendant que leur fille optera pour le concert de Lady Gaga, les 2 événements payants et non subsidiés ayant à leurs yeux plus de valeur que l’exposition et le concert « gratuits » cités plus haut.    

Endettement

On est fauché, endetté jusqu’au coup. Le financement des fonctions régaliennes de l’Etat et au-delà consomme tellement d’argent que, comme cité plus haut, les dépenses allouées à des besoins non essentiels en deviennent très malsaines.

Les civilisations et les sociétés qui ont pu développer les arts et la culture sont celles qui ont accordé une place prépondérante au commerce et à son libre exercice dans une environnement juridico-fiscal relativement équilibré et respectueux de la propriété d’autrui. Et il n’y a rien d’étonnant à cela. L’accumulation de capital augmente les standards de vie et les individus, une fois délivrés des contraintes liées aux besoins essentiels, peuvent s’adonner à des activités non-économiques. Les arts et la culture, c’est quand on a accumulé de l’épargne, et même un surplus. Ca ne se finance pas via l’endettement public mais sur fonds propres et privés.

Censure

L’art a bien existé sous les pires dictatures, me rétorquerez-vous ! En effet, c’est indéniable. On peut même s’étonner qu’une telle floraison artistique ait eu lieu sous les Borgia à la Renaissance. Toutefois, ne nous y trompons pas : il était courant pour le pouvoir et ses proches à cette époque de faire preuve d’opulence en prenant un artiste prometteur ou confirmé sous son aile, le payant sur sa propre cassette, sans intervention du public. C’est ce qu’on appelle du mécénat.

Je rappellerai à nos zélés défenseurs des arts et de la culture par les fonds publics que nazis et communistes étaient intolérants et lapidaires vis-à-vis de toute forme d’art qui ne soutenait pas leurs théories extravagantes et nauséabondes. Le nazi Joseph Goebbels fit fermer l’école d’architecture Bauhaus en 1935 dans laquelle il trouvait « la plus parfaite expression d’un art dégénéré ».  On n’était guère mieux loti en tant qu’artiste de l’autre côté du rideau de fer si les œuvres ne servaient pas parfaitement l’appareil de propagande. Avec Staline, les artistes sont entièrement mis au service du régime, ils doivent être syndiqués et être membre du parti communiste. On ne rigolait pas avec l’art chez les Soviets. Certains auront l’audace de me rappeler l’adhésion de Picasso au parti communiste espagnol. N’oublions pas que ce dernier, riche de son vivant grâce à son talent et son travail, y voyait là une distraction et un moyen de s’afficher avec son temps. Les communistes, de leur côté, le détestaient, lui et sa peinture abstraite, y voyant néanmoins un formidable outil de propagande.

Quoi qu’il en soit, lors que l’Etat se mêle des arts et de la culture, il est évident que seuls ses mignons auront accès aux fonds nécessaires et malheur à ces artistes maudits qui oseront tancer le Dieu-Etat et ses cerbères.

Conclusion

Il n’y a rien de plus anti-démocratique que l’Etat se mêlant des arts et de la culture. Si votre production est bonne, mesdames et messieurs les artistes, elle trouvera acquéreur auprès du public qui exprimera ses préférences en dépensant ses deniers épargnés par l’absence de gabegie étatique en la matière. Si votre production ne trouve pas acquéreur, alors remettez-vous en question et changez de registre. Ne maudissez pas le public qui, quoi que vous en pensiez, possède certainement des goûts dans les domaines culturel et artistique. Le fait de vous détourner de la souveraineté du public et de réclamer le subventionnement et la protection de l'Etat est un déni de démocratie et une atteinte aux libertés civiles et à la propriété privée d’autrui. Il convient que vous soyez à même d’anticiper les demandes de votre public-cible et d’y répondre en assurant une offre adéquate. De grâce, évitez d’aller pleurnicher auprès des autorités. Nous n’aurons au final qu’une offre raréfiée, peu innovante et coûteuse dans un contexte de spoliation fiscale et de dictature du « bon goût ». En vous remerciant.

mardi 21 mai 2013

Le Libéralisme de Mises, par Thomas Woods (traduction par Will Conquer pour l'Institut Coppet)

Auteur de l'article: Thomas Woods (traduction française par Will Conquer)
Auteur du livre "Liberalism": Ludwig von Mises (traduction anglaise par Ralph Raico)
Mise en ligne: 21 mai 2013

Contrario vous propose de découvrir régulièrement un livre de la grande bibliothèque du Libéralisme. Mises réussit ici un coup de maître en donnant sur 200 pages les bases libérales nécessaires à sa compréhension en tant que philosophie du droit et morale individuelle dont découlent un système politique et une organisation économique basés sur les libertés individuelles.  


Toute la philosophie politique se concentre à une question centrale : quelles conditions rendent légitime le recours à la violence ? Un système de pensée peut justifier le recours à la violence au nom de l’intérêt d’un groupe de la majorité raciale, comme les nationaux-socialistes en Allemagne. Un autre peut l’endosser au nom d’une classe économique particulière, comme les bolcheviks de la Russie soviétique. Un autre système peut encore préférer éviter une position doctrinaire d’une manière ou d’une autre, laissant au bon jugement de ceux qui administrent l’Etat de décider quand le bien commun exige l’initiation de la violence et quand cette justification n’existe pas. C’est la position de l’Etat social.

Le libéral fixe un seuil très élevé pour l’initiation de la violence. Au-delà de l’imposition minimale nécessaire pour maintenir les services juridiques et de défense – ce que certains libéraux n’acceptent même pas – il nie à l’Etat le pouvoir d’avoir recours à la violence et ne cherche que des remèdes pacifiques aux problèmes de société. Il s’oppose à la violence dans la redistribution des richesses, l’enrichissement de groupes de pression influents, ou l’amélioration générale de la condition morale de l’homme. Les peuples civilisés, dit le libéral, interagissent les uns avec les autres non pas selon la loi de la jungle, mais au moyen de la raison et de la discussion. L’homme n’a pas à être rendu droit par le gardien de prison et le bourreau ; s’ils sont nécessaires pour le rendre bon, c’est que son état moral est déjà irrécupérable.  Comme Ludwig von Mises le soutient dans ce livre fondateur, l’homme moderne « doit se libérer de l’habitude, dès que quelque chose lui déplaît, d’appeler la police. »

Le retour de Mises

Dans le sillage de la crise financière qui a d’abord frappé le monde en 2007 et 2008, il y a eu comme une véritable renaissance dans les études de l’œuvre de Mises, car ce sont les disciples de Mises qui avaient les explications les plus convaincantes des phénomènes économiques qui laissaient la plupart des soi-disant experts confus. L’importance de la contribution économique de Mises aux discussions contemporaines est susceptible de faire oublier sa contribution en tant que théoricien social et philosophe politique. La réédition de Libéralisme permet de rectifier cet oubli.

Le libéralisme que Mises décrit ici n’est, bien sûr, pas le « liberalism » des Etats-Unis d’aujourd’hui, mais plutôt le libéralisme classique, qui est la façon dont le terme continue d’être compris en Europe. Le libéralisme classique est synonyme de liberté individuelle, de propriété privée, de libre-échange, et de paix, les principes fondamentaux à partir desquels le reste du programme libéral peut être déduit. (Lorsque la première édition anglaise de Libéralisme est parue en 1962, Mises l’a publiée avec comme sous-titre Le Commonwealth libre et prospère, afin de ne pas confondre les lecteurs américains qui ont associé le libéralisme avec un credo très différent de celui qu’il défend.)

Ce n’est pas insulter Mises que de dire que sa défense du libéralisme est parcimonieuse, au sens où, comme le rasoir d’Occam, il n’emploie aucun concept qui ne seraient pas strictement nécessaires à son argumentation. Ainsi Mises ne fait aucune référence aux droits naturels, un concept qui joue un rôle central dans beaucoup d’autres expositions du libéralisme. Il se concentre principalement sur la nécessité de la coopération sociale à grande échelle. Cette coopération sociale, par laquelle des chaînes complexes d’une fonction de production peuvent améliorer le niveau de vie général, ne peut être provoquée que par un système économique fondé sur la propriété privée. La propriété privée des moyens de production, couplée à l’extension progressive de la division du travail, a contribué à libérer l’humanité des horribles afflictions auxquelles était autrefois confrontée la race humaine : la maladie, la misère extrême, les taux effroyables de mortalité infantile, la misère et la saleté générale, et l’insécurité économique radicale, avec des populations qui vivent souvent suite à une mauvaise récolte de la famine. Jusqu’à ce que l’économie de marché démontre sa capacité à créer des richesses par la division du travail, il semblait acquis que ces traits grotesques de la condition de l’homme étaient les préceptes fixes d’une nature froide et impitoyable, et qu’il y avait donc peu de chances que ces fardeaux soient considérablement allégés, encore moins entièrement éradiqués, par l’effort humain.

Défense de la propriété privée

Les étudiants ont appris pendant de nombreuses générations à penser de la propriété comme un mot sale, comme l’incarnation même de l’avarice. Mises ne s’y fera pas. « Si l’histoire pouvait prouver quelque chose à l’égard de cette question, on ne peut trouver nulle part et à aucun moment un peuple qui se soit élevé sans la propriété privée au-dessus de la condition de la pénurie la plus oppressante et de la sauvagerie à peine distincte de l’existence des animaux ». La coopération sociale, montre Mises, est impossible en l’absence de propriété privée et toute tentative de restreindre le droit de propriété sape le pilier central de la civilisation moderne.

Mises en effet ancre fermement le libéralisme dans la propriété privée. Il est bien conscient que défendre la propriété, c’est attirer l’accusation selon laquelle le libéralisme est simplement une apologie voilée du capital. « Les ennemis du libéralisme l’ont accusé d’être partisan des intérêts particuliers des capitalistes ». Mises observe qu’une telle accusation est caractéristique de leur mentalité. « Ils ne peuvent tout simplement pas comprendre une idéologie politique comme quelque chose d’autre que la défense de certains privilèges spéciaux par opposition à l’intérêt général. » Mises montre dans ce livre et à travers son travail que le système de la propriété privée des moyens de production rejaillit au bénéfice non seulement des propriétaires directs du capital mais bien de toute la société.

Il n’y a, en fait, aucune raison particulière pour justifier que les personnes en possession d’une grande richesse favorisent le système libéral de libre concurrence, dans lequel des efforts continus doivent être déployés pour le compte des désirs des consommateurs, au risque que cette richesse soit grignotée. Ceux qui possèdent une grande richesse – en particulier ceux qui ont hérité de cette richesse – peuvent en fait préférer vivre dans un système interventionniste, qui est plus susceptible de maintenir la structure existante en gelant les richesses. Pas étonnant que les magazines d’affaires américains pendant l’ère progressive soient remplis d’appels à remplacer le laissez-faire, un système dans lequel les bénéfices ne sont pas protégés, par un système où les cartels sont protégés grâce à leur collusion avec le gouvernement.

Contre l’impérialisme et l’interventionnisme

Naturellement, étant donné l’accent de Mises sur l’importance de la division du travail pour le maintient et le progrès de la civilisation, il s’oppose avec virulence à la guerre d’agression, qui en plus de ses conséquences physiques et humaines entraîne l’appauvrissement progressif de l’humanité par des bouleversements radicaux de la structure harmonieuse de la production qui recouvre la terre entière. Mises, qui mâche rarement ses mots, mais dont la prose est généralement élégante et sobre, parle avec colère et indignation lorsqu’il abord l’impérialisme européen, une cause indéfendable à ses yeux. Tout comme son élève, Murray Rothbard, qui identifiera plus tard la guerre et la paix comme les points fondamentaux de l’ensemble du programme libéral, Mises insiste sur le fait que ces questions ne peuvent pas être négligées – comme elles le sont si souvent par les libéraux classiques, à notre époque – en faveur de certains questions moins sensibles politiquement.

L’outil principal du libéralisme, Mises le répétait, est la raison. Cela ne veut pas dire pour autant que Mises pensait que l’ensemble de son programme devait être réalisé à coups de traités universitaires denses et complexes. Il admirait beaucoup ceux qui ont apporté leurs idées à la scène, le grand écran, ou sur le papier des romans de fiction. Mais cela signifie que la cause doit rester ancrée dans l’argumentation rationnelle, une fondation beaucoup plus solide que l’irrationalisme volage de l’émotion et de l’hystérie par lequel d’autres idéologies cherchent à remuer les masses. « Le libéralisme n’a rien à voir avec tout cela », insiste Mises. « Il n’y a pas de couleur du parti, aucune chanson du parti et pas d’idoles du parti, ni symbole et ni slogan. Il y a les principes et les arguments. Ceux-ci doivent conduire à la victoire. »

Nous devons nous réjouir de la publication de la nouvelle édition par le Mises Institute de ce vieux classique, en particulier à un moment si périlleux de l’histoire. Avec les crises des dettes publiques et les choix difficiles qu’ils exigent menaçant d’une vague de troubles civils à travers l’Europe, les promesses impossibles faites par des États-providence à court d’argent sont de plus en plus compromises. Comme Mises le fait valoir, il n’est pas viable, à long terme de se substituer à l’économie libre. L’interventionnisme, même au nom d’une cause ostensiblement bonne comme la protection sociale, crée plus de problèmes qu’elle n’en résout, conduisant ainsi à toujours plus d’intervention jusqu’à ce que le système soit entièrement socialisé, si l’effondrement ne se produit pas avant.

Bastiat contre Montaigne

La position de Mises va à l’encontre de ceux qui ont soutenu que le marché était en effet un lieu de rivalités et de luttes dans lequel les gains de l’un impliquent les pertes des autres. On pense, par exemple, à David Ricardo et son affirmation que les salaires et les profits se dirigent nécessairement dans des directions opposées. Thomas Malthus avertit la population d’une catastrophe, qui implique un conflit entre certaines personnes (celles qui sont déjà nées) et d’autres (à savoir, l’excédent présumé qui a suivi plus tard). Ensuite, bien sûr, on peut voir la tradition mercantiliste au sens large, qui considère le commerce et l’échange comme une sorte de guerre de basse intensité, qui a produit un ensemble défini de gagnants et de perdants. Karl Marx a formulé un exposé classique de l’antagonisme de classe inhérent au marché dans le Manifeste communiste. Même avant, on pouvait lire Michel de Montaigne (1533-1592), qui a soutenu dans ses essais qu’« il ne se fait aucun profit qu’au dommage d’autrui » (Montaigne, Essais, I, 22). Mises a appelé plus tard ce point de vue le « sophisme de Montaigne ».

Pour le bien de la civilisation elle-même, Mises nous pousse à rejeter les mythes mercantilistes qui opposent la prospérité d’un peuple contre celle de l’autre, les mythes socialistes qui décrivent les différentes classes sociales comme des ennemis mortels, et les mythes interventionnistes qui cherchent la prospérité mutuelle par le pillage. Au lieu de ces idées fausses et destructrices, Mises propose un argument convaincant en faveur du libéralisme classique, qui voit des « harmonies économiques » – pour reprendre la formule de Frédéric Bastiat – où d’autres voient l’antagonisme et le conflit. Le libéralisme classique, si bien défendu ici par Mises, ne cherche aucun avantage pour quiconque qui serait dérivé de la coercition et pour cette raison même favorise l’issue la plus satisfaisante à long terme pour tout le monde.

Source: www.mises.org
Lien vers le livre (en version française):
www.quebecoislibre.org/08/leliberalisme.htm 

vendredi 17 mai 2013

Blocus sur les bonus : haro du gouvernement sur les hausses salariales consenties par les employeurs.

Auteur: Thib13
Mise en ligne: 17 mai 2013

Résumé: un projet de loi est à l'étude pour, en plus de la modération salariale 2013-2014 décrétée par le gouvernement Di Rupo, imposer une limitation des hausses salariales selon un mécanisme de calcul fixé annuellement par arrêté royal et basé sur un référentiel de 3 pays limitrophes. Le dialogue entre employeurs et employés sera définitivement rompu dans la négociation salariale.    

Vous êtes un gentil patron (oui, ça arrive) et vous souhaitez récompenser votre personnel méritant pour avoir contribué aux bons résultats de l’entreprise. Eh bien, vous ne le pourrez plus, du moins pas autant que vous le souhaitez. En effet, le gouvernement Di Rupo ayant déjà décrété un blocage des salaires pour 2013-2014, il planche maintenant sur un projet de loi durcissant la loi de 1996 relative à « la promotion de l’emploi et à la sauvegarde de la compétitivité » (dans sa novlangue) prévoyant désormais une marge maximale pour l’évolution du coût salarial qui sera fixée par année.  Cette marge sera déterminée sur la base de l’évolution salariale des deux années écoulées dans trois pays de référence (Pays-Bas, Allemagne et France), ainsi que sur les prévisions d’évolution pour les deux années à venir. Des amendes  allant de 100 à 1 000 euros par travailleur concerné seront prévues en cas de dépassement. L’argument est de maintenir la compétitivité du marché du travail belge par rapport aux économies étrangères dans un monde globalisé. La réalité, c’est que la prise en compte des agrégats pour décréter un tel diktat ne tient pas compte des spécificités de chaque secteur et surtout de la coopération sociale entre employeurs et employés dont toute négociation directe sera rendue impossible avec la nouvelle loi. En effet, les organisations patronales (représentatives des plus grandes entreprises) et les syndicats tentent de saisir le gouvernement pour obtenir gain de cause et servir leurs intérêts corporatistes mais le fait est que le dialogue est rompu entre les principaux protagonistes : l’employeur et l’employé.


En plus des manipulations dans le calcul de l’index par le gouvernement pour éviter ou limiter tout saut, les salaires voient leur part de réel s’amenuiser sous l’effet de l’étau qui se resserre avec d’un côté l’inflation et de l’autre la fiscalité sur le travail. Ne soyons pas dupes. Les gouvernants se targuent de protéger le pouvoir d’achat via le salaire minimum légal pour maintenir en apparence les salaires nominaux élevés mais profitent de l’inflation pour raboter les salaires réels. Un double discours que même les factions d’extrême-gauche ont compris.  

Qu’est-ce qu’un bonus salarial ? Cela peut prendre 2 formes sur le marché du travail : soit on parle d’une augmentation de salaire et cela devient récurrent (le fixe payé mensuellement est augmenté), soit on se réfère à une prime unique payée généralement sur base annuelle. Dans les 2 cas, que le bonus ait un caractère récurrent ou unique, cela revient à augmenter la rémunération globale de l’employé et donc le coût pour l’employeur. C’est d’un mauvais œil que le gouvernement voit cela puisqu’il souhaite limiter la capacité des employeurs à récompenser leur personnel méritant. Le bonus sous la forme d’une prime unique est la rémunération variable qui vise à récompenser la performance et la contribution du bénéficiaire à la bonne marche de l’entreprise. Il est généralement payé sur base annuelle aux cadres, dirigeants et personnes à fort impact sur le résultat de l’entreprise à la fin d’un exercice social après constatation du résultat de l’entreprise. C’est une charge que cette dernière et son propriétaire, l’actionnaire, consentent à supporter pour garder à bord des gens de qualité, même quand les jours sont sombres et les exercices difficiles. Cette rémunération en sus est en principe votée par le conseil d’administration et est ratifiée lors de l’assemblée générale pour les bonus des directoires. Certes, il y a matière à discuter quant au mode de ratification. A ce titre, il serait plus judicieux de regarder du côté de nos amis suisses qui ont récemment déposé un projet de loi visant, non pas à limiter les bonus comme la presse européenne s’est empressée de relayer en cœur, mais à redonner du pouvoir aux actionnaires dans le processus d’attribution des rémunérations des dirigeants. A nouveau, le propriétaire de l’entreprise, c’est l’actionnaire, qu’il soit petit ou grand. L’Etat n’a pas à se mêler de la négociation entre les propriétaires de l’entreprise et ses dirigeants et salariés quant aux packages de rémunération. Qu’il se borne à arbitrer les éventuels litiges portés par l’une des parties devant ses tribunaux à défaut d’un accord privé ou d’un règlement à l’amiable.

Concernant la rémunération des cadres et dirigeants, la mesure de limitation des salaires et bonus est risible. Outre le fait qu’elle est alimentée par l’envie et la jalousie dans le chef des hommes et femmes de l’Etat, il semble que ces derniers n’ont jamais entendu parler du concept de salary split fortement usité parmi les cadres supérieurs et dirigeants de multinationales. Cela consiste à répartir le salaire, bonus et avantages extra-légaux sur plusieurs juridictions fiscales avec une répartition similaire du temps de travail et de la présence physique des bénéficiaires. Ceci peut s’effectuer en toute légalité grâce à la libre circulation et mobilité des personnes et à la présence d’une multitude de filiales à l’étranger qui caractérisent les multinationales. Vouloir bloquer les bonus sur un territoire de 30 000 km2 dans un monde globalisé est une utopie qui ne frappera au final que les simples salariés tous secteurs confondus ainsi que les cadres et dirigeants des entreprises publiques belges où l’Etat en tant qu’actionnaire des ces dernières a déjà la possibilité de limiter les bonus par son simple vote.

Mais revenons à nos salariés, ceux de la classe moyenne. Monsieur et madame tout-le-monde qui se lèvent tous les matins pour gagner leur vie. Qu’est-ce que le salaire ? C’est le prix que l’employeur consent à payer à son bénéficiaire, le salarié, en échange d’une quantité et qualité de travail prédéfinies. Comme tout prix, il doit être fixé par la loi de l’offre et de la demande en fonction de sa rareté, de son utilité et des perspectives bénéficiaires de l’entreprise concernée. Cela doit rester avant tout le fruit d’un accord entre parties privées sur base volontaire. Se voir confisquer ce droit à la négociation de manière arbitraire par des organisations patronales et syndicales s’entre-déchirant pour au final saisir le législateur n’est pas le reflet de la coopération sociale entre les individus qui a valu à l’Occident un essor économique sans précédent sur les 200 dernières années.

Il est bon néanmoins de conserver le principe que tout salarié et tout employeur peuvent choisir de se faire représenter ou conseiller par une tierce partie comme un avocat, un syndicat, une organisation ou un groupe d’intérêts dans la négociation mais cela doit rester sous l’empire du libre échange et de la coopération volontaire. Une telle représentation ne peut se concevoir que si les principaux protagonistes, à savoir l’employeur et l’employé, en ont fait expressément la demande. On est loin du compte actuellement. Nous nous retrouvons face aux dirigeants du gouvernement qui décrètent les niveaux des salaires par rapport à ceux en vigueur dans 3 pays de référence sur lesquels nous n’avons aucune influence et aucun moyen de remédier aux politiques salariales contre-productive. Un tel acte coercitif empêche toute adaptation harmonieuse aux phases du cycle économique avec pour conséquence un chômage structurel lorsque les niveaux sont trop hauts par rapport à ce que le marché est prêt à payer et une démoralisation des salariés lorsque les niveaux sont trop bas. Comment est-il concevable que des gens qui pour la plupart n’ont jamais travaillé dans une entreprise privée puisse déterminer avec certitude les niveaux salariaux pour chaque industrie et chaque secteur ? Il y a là une violation flagrante des libertés individuelles. Une de plus menant à la collectivisation de la société et à la révolte sociale en fin de compte.

Couplée à des charges sociales exorbitantes, une fiscalité confiscatoire et un code du travail aussi complexe que volumineux, cette politique de limitation salariale aura pour résultat un appauvrissement généralisé et une augmentation des inégalités. Rétablissons le dialogue entre les individus, employeurs et employés, dans le cadre de négociations directes avec possibilité de représentation sur base volontaire, le tout dans un environnement fiscal drastiquement allégé et un climat social coopératif respectueux des droits naturels dont la propriété privée et la coopération volontaire des parties concernées.

Presse:

mardi 14 mai 2013

La flat tax, plus qu’une opportunité fiscale, un catalyseur de réformes fondamentales.

Auteur : Vincent Bénard
Mise en ligne Contrepoints : 04/10/2011
Mise en ligne Contrario: 14 mai 2013

Résumé : Le texte qui suit est une version légèrement allongée de l'allocution prononcée devant le Cercle Frédéric Bastiat de Saint Paul Les Dax le 1er octobre 2011, où l'auteur a évoqué non seulement les avantages économiques et fiscaux, mais aussi le potentiel de la Flat Tax comme outil d'accompagnement de changements institutionnels profonds.


Qu'appelle-t-on Flat Tax ? D'une manière générale, il s'agit d'un impôt à taux unique, généralement faible, frappant une assiette large et sans niche fiscale. Naturellement, le principe général peut recevoir des exceptions que nous rencontrerons lors de cet exposé.

Récemment, les propositions de Flat Tax se sont focalisées sur l'impôt sur le revenu des foyers, et l'impôt sur les sociétés. Je cantonnerai donc mon exposé à ces deux types d'impôts stricto sensu, même si, naturellement, il en existe d'autres, la TVA étant l'exemple type d'une flat Tax, dont l'assiette est la consommation.
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1. Les conceptions de l'impôt,
Morales ou pragmatiques

On oppose souvent, à raison, la flat tax, "impôt proportionnel", à l'impôt progressif. Il faut toutefois rappeler qu'il existe une troisième forme d'imposition dont on retrouve l'apologie chez certains auteurs, à savoir l'impôt forfaitaire ou de capitation, ou encore "Poll Tax".

Les corps idéologiques, au sens le plus noble du terme, fondant  les différentes formes de calcul de l'impôt, peuvent se diviser en deux approches, les approches morales, et les pragmatiques.

Approches morales

Les approches morales de l'imposition sont importantes, car très souvent, les politiques jugent de la "qualité" d'une politique fiscale par sa "justice". Mais les variations du concept de justice en matière fiscale dans le temps montrent que celui ci est particulièrement évanescent.

Ainsi, selon John Locke, un des pères fondateurs des doctrines libérales classiques que nous connaissons, l’État doit avoir pour but unique de "garantir l'intégrité de la propriété", propriété s'entendant au sens large, "du corps et des biens". Il en découle que le coût de cette garantie de la propriété est le même quel que soit l'individu concerné et que par conséquent, l'impôt doit être forfaitaire, égal pour tous. Autrement dit, cet "égalitarisme fiscal" repose sur un fondement moral incontestable.

Cependant, il se heurte à quelques difficultés. D'abord, les gens aisés ont plus de propriété que les gens pauvres, et donc, garantir cette propriété coûte plus cher à l’État. La Poll tax, en ce sens, constitue un transfert de charge du riche vers le pauvre, et se trouve assez rapidement moralement discréditée. D'ailleurs, la proposition de Mme Thatcher d'instaurer comme impôt local une poll Tax en 1989 apparaîtra tellement choquante aux britanniques qu'elle provoquera sa chute, son successeur conservateur, John Major, enterrant définitivement le projet.

Aussi rapidement, ne se trouvent plus en compétition sur la scène fiscale que les impôts proportionnels (soit sur la capital, soit sur le revenu) et les impôts progressifs.

Les impôts proportionnels non discriminants (#sans "niche") sont défendus par ceux qui ne voient en l'impôt qu'un moyen de permettre à un État minimal de remplir ses missions. Et d'aucuns voient dans la Déclaration des Droits de l'Homme de 1789 un plébiscite implicite de l'impôt proportionnel. "Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable ; elle doit être également répartie entre les citoyens, en raison de leurs facultés" (Article 13). Toutefois, le terme "à raison", ne signifiant pas "à proportion de", a laissé ouverte la porte à d'autres conceptions...

Très vite, apparaissent d'autres visions de l'impôt, qui voient à la fois l'impôt comme une arme et comme un moyen d'orienter la société vers leurs objectifs constructivistes.

On trouve des traces d'impôts sur le revenu progressifs dès l'antiquité. Très tôt, les rois de France s'interrogent sur la meilleure façon de remplir leurs caisses. On trouve trace d'impôts progressifs sur certains revenus dès Philippe Le Bel.

Plus récemment, Maximilien Robespierre se fait apôtre d'une hyper progressivité de l'impôt comme moyen de rétablissement des inégalités matérielles imputables à l'héritage des injustices de l'ancien régime, et suggère de prendre 100% du revenu au delà d'un certain seuil. La DDH n'a que 3 ans mais semble bien lointaine. De nombreux parallèles ont d'ailleurs été faits entre les conceptions de l'ordre social de Robespierre et celles d'un Lénine: la "morale" derrière l'impôt progressif confiscatoire prôné par Robespierre n'est guère humaniste, malgré ses prétentions égalitaires.

L'école économique Saint-Simonienne prône également la progressivité de l'impôt, mais pas la confiscation totale des revenus. En contrepartie, l'école Saint-simonienne défend également l'instauration de Niches fiscales pour favoriser une "société d'entrepreneurs". Il serait toutefois faux d'attribuer à Saint Simon la naissance des niches fiscales, le concept étant aussi ancien que l'aptitude des puissants et lobbys (corporations, jurandes) à se faire entendre des autorités.
On peut donc dire qu'il est possible de trouver des justifications (prétendûment) "morales" à n'importe quelle forme d'imposition, seul le politiquement correct du moment rendant certaines approches plus "morales" que d'autres.

L'approche pragmatique

Si l'on attribue la formule "trop d'impôt tue l'impôt" au conseiller économique de Ronald Reagan, Arthur Laffer, le constat d'une diminution du rendement de l'impôt en fonction du taux marginal d'imposition est bien antérieur.

En France, nous retrouvons des traces de la critique du progressivisme fiscal chez un économiste conseiller de Sully et de Henri IV, Barthélémy de Laffemas, qui, constatant que plus on impose les plus riches, plus ceux ci tendent à mettre en place des tactiques d'évitement de l'impôt, résume ce phénomène par la formule: "Les hauts taux tuent les totaux".

Il est important de noter que Laffemas est tout sauf libéral: partisan du protectionnisme colonial, de la création de grandes manufactures d’État, de l'extension du pouvoir des corporations et jurandes, et très dirigiste, son problème est de mieux traire la vache pour l’État, pas de laisser son lait nourrir les veaux. Et Laffemas, considérant que c'est à l’État de faire le bien de ses sujets, considère donc que l'impôt proportionnel est infiniment supérieur à l'impôt progressif parce qu'il rapporte plus.

Nous voyons à travers Laffemas que la Flat Tax n'est en elle même qu'un outil, et que selon les convictions philosophiques de celui qui s'en sert, elle peut devenir une arme de maximisation de la spoliation, et que par conséquent, ceux qui ne jurent que par la spoliation peuvent lui trouver d'incontestables vertus morales. Elle n'est donc pas en elle même "juste" ou "injuste". On ne peut pas qualifier un impôt de juste ou d'injuste par lui même, seule la philosophie sous tendant l'impôt obéit à des conceptions morales différentes.

Quel que soit le type d'impôt considéré, parler "d'impôt juste" ou 'd'impôt injuste" n'a tout simplement aucun sens.

Pragmatiquement parlant, les anglais, en guerre contre Napoléon, décidèrent de créer en 1799 un impôt sur le revenu progressif, dont le taux marginal était de 10%, ce qui, pour l'époque était très élevé. Rappelons que les États consommaient couramment moins de 10% du PIB de leurs nations à l'époque. Notez également que les guerres sont souvent le prétexte pour créer un impôt sur le revenu, impôt jamais supprimé en temps de paix...

Cet impôt rapportera environ 2 millions de livres à la couronne, ce qui sera jugé décevant. Alors que le Blocus Napoléonien fait rage, l’Angleterre transforme cet impôt progressif en Flat Tax à 5% (1804) puis 6.5% (en 1806): le produit fiscal augmente à 15 millions de livres, à une époque où l'inflation n'existe pas.  La baisse des taux et la simplification du barème ont permis de multiplier par 7 le produit fiscal de l'impôt.

C'est le Français Emile Dupuit (souvent appelé Jules Dupuit, son premier prénom étant... Arsène), ingénieur des ponts et chaussées, qui produira le premier corpus fondé sur des constats théoriques empiriquement vérifiés, validant la loi des rendements décroissants de l'impôt en fonction du taux. En 1844, il écrit en bon Français ce que Laffer traduira par sa célèbre courbe qui lui vaudra un succès marketing mondial.


Dupuit fut d'ailleurs un des grands théoriciens du "marginalisme".

Il est temps maintenant d'étudier les applications récentes de la Flat Tax.
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2. De l'IRPP à la Flat Tax

L'IRPP en France : un rendement... marginal !

Allez sur le site du ministère des finances, section statistiques, et calculez le ratio entre produit fiscal de l'IRPP (Impôt sur le Revenu des Personnes Physiques) et sommes déclarées.Selon vous, intuitivement, quel est il ?

....?

Vous constaterez que ce ratio était de 7,5% en 2001 et qu'il est passé à 5,7% en 2008. Autrement dit, notre usine à Gaz, avec sa tranche maximale à 40%, ses exonérations, niches diverses et variées, rapporte 5,7% des sommes déclarées.

Et si nous soustrayons les sommes déclarées par les 47% des ménages qui ne paient aucun IRPP, quel est le ratio entre produit fiscal et sommes déclarées par les 53% qui le paient ?

....?

Environ 7,11%. En 2008, les ménages ont déclaré 844 milliards d'Euros, les ménages imposables 680, et l'impôt, tous dégrèvements déduits, en a rapporté 48,4.

Toute cette usine à gaz, intrusive et marginalement spoliatrice (40%) pour ramasser 7 malheureux pour cent des sommes imposables !

Règle de trois

Imaginons maintenant que l'on remplace notre IRPP par un impôt simple: Impôt = Revenus multipliés par 5,7%. Ou encore Impôt = (Revenus - abattement de 10.000€ par personne à charge) multipliés par 7,1% - La simple arithmétique suggère qu'il rapporterait à l’État exactement autant d'argent qu'aujourd'hui notre IRPP.

Mais en fait, un tel IRPP rapporterait certainement beaucoup plus :
1 - Pourquoi se fatiguer à payer un conseiller fiscal pour minorer (voire, pire, frauder) un impôt à 7,1% ? Pourquoi payer des frais financiers pour des produits financiers dont le seul intérêt réside dans la défiscalisation ?
2 - Et s'il n'est pas rentable de frauder l'impôt sur le revenu, c'est toute une chaîne de déclaration de valeur qui peut redevenir fiscalisée, ce qui sera également bon pour les rentrées de TVA.
3 - Pourquoi ne pas rapatrier en France des revenus actuellement domiciliés ailleurs, (une loi d'amnistie pourrait d'ailleurs y contribuer...) ? Après tout, les banques suisses prennent des frais très élevés, et le fonctionnement des cartes de crédit y est contraignant...
4 - Avec un tel impôt, si vous avez un très gros revenu, travailler plus vous rapporte 93 centimes par euro gagné. Avec l'impôt actuel, moins de 60 centimes*.
(* ces montants s'entendent hors CSG, nous y reviendrons).
5 - Par conséquent, les éléments les plus dynamiques d'une entreprise, qui sont, généralement, les mieux payés, savent qu'un surcroit d'effort de leur part leur profitera d'abord à eux: ils n'en sont que plus motivés à fournir un effort supplémentaire.
6 - "Faire un cadeau aux riches", c'est faire un cadeau aux plus pauvres: les riches tendent à réinvestir leurs excédents soit dans de nouvelles entreprises, elles mêmes créatrices de richesses, soit, si l’État s'en désengage, dans des actions de type caritatif, de mécénat, ou autres, initiatives généralement mieux gérées que celles que l’État pourrait conduire lui même. Tant que l'enrichissement est honnête, il est vertueux. Permettre aux plus dynamiques de former du capital est indispensable pour faire naître les gains de productivité qui nous enrichirons tous demain.
7 - Les surcroîts de rentrées ci dessus permettraient en outre de supprimer définitivement l'ISF, qui rapporte environ 3 milliards de produit fiscal mais qui a provoqué l'exode de plus de 400 milliards de capitaux, soit un manque à gagner fiscal de l'ordre de... 15 milliards (source: institut Montaigne).

Vous êtes sceptiques quant à la capacité de la Flat Tax à récolter un produit fiscal suffisant pour permettre à l’État de bâtir son budget ? La CSG, dont la base taxable est à peu près 22% plus élevée que l'IRPP, au taux compris entre 7.5 et 13% selon le type de revenu, rapporte à l’État plus de 84 G€ (chiffre 2008), contre 48,4 G€ pour l'IRPP à la même date. soit 71% de plus que le produit de l'IRPP. La CSG est donc le plus bel exemple d'efficacité de la Flat Tax que l'on puisse imaginer.

Naturellement, si le but de l’État est de limiter la ressource fiscale au strict nécessaire, et non de "traire la vache", le surcroît de recettes peut servir à réduire d'autres impôts !

Enfin, les impôts progressifs s'accompagnent généralement de niches fiscales, obtenues de haute lutte par tel ou tel lobby. Toutes ces niches sont autant de privilèges et de sources de mal-investissement, comme par exemple l'investissement Scellier, qui a favorisé la construction de dizaines de milliers d'appartements dans des zones ou n'existait aucun besoin, et qui a de fait ruiné des milliers d'investisseurs. Les Flat Taxes, en supprimant ces niches, suppriment toutes les distorsions de l'économie qui les accompagnent.

Nous verrons que les Flat Taxes ont d'autres vertus. Mais d'abord, voyons quelles effets elles ont produit à l'étranger.
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3. La Flat Tax à l'étranger

Le Flat Tax Club
 
Dans la période récente, ce sont dans les iles anglo-normandes et à Hong Kong que l'on retrouve les premières traces de Flat Taxes. Mais c'est après la chute du mur de Berlin que le nombre de pays libérés du communisme vont, tour à tour, adopter cette fiscalité de bon sens. Sauf oubli de ma part, ce sont 35 pays dans le monde, qui, aujourd'hui, ont mis en place des "Flat Taxes" ou des "quasi Flat Taxes", c'est à dire avec une première tranche à zéro% et une Flat Tax opérant uniquement à partir d'un certain seuil de revenus (italique: 7 membres de l'UE).
Nation
Année
d'inauguration
Taux actuel
Flat Tax revenus
Taux actuel
Flat Tax Corporate
Hong Kong
1947
16
17.5
Guernsey
1960
20
0
Jamaica
1986
25
33.3
Tuvalu
1992
30
30
Estonia
1994
21
0
Lithuania
1994
15
15
Grenada
1994
30
30
Latvia
1995
26
15
Russia
2001
13
24
Serbia
2003
12
10
Iraq
2004
15
15
Slovakia
2004
19
19
Ukraine
2004
15
25
Georgia
2005
12
20
Romania
2005
16
16
Turkmenistan
2005
10
20
Trinidad & Tobago
2006
25
25
Kyrgyzstan
2006
10
10
Albania
2007
10
10
Macedonia
2007
10
10
Mongolia
2007
10
10,25
Montenegro
2007
9
9
Kazakhstan
2007
10
15
Pridnestrovie
2007
10
0
Mauritius
2007
15
15
Bulgaria
2008
10
10
Czech Republic
2008
15
19
Timor Leste
2008
10
10
FBiH
2009
10
10
Belarus
2009
12
24
Belize
2009
25
25
Nagorny Karabakh

5
5
Seychelles
2010
15
35
Paraguay
2010
10
10
Hungary
2011
16
10
Abkhazia

10
18


L'instauration de Flat Taxes s'accompagnant en général d'autres mesures de libéralisation de l'économie, il est assez difficile de savoir quelle est la part de la Flat Tax dans les succès économiques qui ont suivi leur mise en place. Ajoutons que d'autres facteurs, tels que des lois foncières ou bancaires inadéquates, peuvent orienter les premiers fruits de la croissance liée à la Flat Tax vers du mal-investissement immobilier ou financier, toujours générateur de retours de bâton assez durs. Le cas de l'Islande, qui avait instauré une Flat Tax assez "chère", à 35%, est à cet égard exemplaire: la Flat Tax n'est en elle même pas un élément suffisant pour garantir la prospérité économique durable.

Toutefois, elle peut aider.

Les résultats fiscaux de la Flat Tax en Russie

Prenons le cas de la Russie. Après la chute du communisme, conseillé par les habituels idiots keynésiens des grands organismes mondiaux regroupés sous la bannière du "consensus de Washington", le président Eltsine néglige la mise en place d'un droit propice à la vie des affaires honnêtes, ouvrant la porte à toutes les dérives mafieuses, et croit pouvoir mettre en place un "impôt juste et efficace" en instaurant un impôt progressif avec un taux marginal de 42%.

C'est d'autant plus ironique que l'URSS, paradis égalitaire autoproclamé, avait instauré sur ses citoyens une... Flat Tax au taux de 13%. Naturellement, dans un pays où tout appartient à l’État, cette "flat tax" était une création purement artificielle, une façon pour l’État de reprendre une partie de ce qu'il n'avait pas vraiment donné. Mais psychologiquement, dans l'esprit du peuple ex-soviétique, ce seuil de 13% était présent.

À 42%, les riches, qu'ils soient honnêtes ou non, ont arrêté de payer leurs impôts. Le gouvernement a réduit le taux maximal à 30%, mais les résultats furent assez décevants. Il faut savoir que dans les années 90, il n'était pas rare que les opérations de recouvrement de l'impôt soient soutenues par des moyens militaires...

Vladimir Poutine, arrivant au pouvoir, constata le désastre, et adopta la seule solution de bon sens qui lui restait: rétablir la Flat Tax de l'ancien régime, au taux de... 13%, entrée en vigueur le 1er janvier 2001.

Notons, avant d'en étudier les effets, que l'un des handicaps politiques  de la Flat Tax aujourd'hui, est qu'elle a été parfois imposée par des régimes autoritaires, ce qui permet à ses opposants des amalgames douteux. Mais qu'une bonne mesure ait été mise en place par un régime peu démocratique ne discrédite pas la mesure elle même.

Quelles ont été les résultats de la Flat Tax sur le produit fiscal en Russie ?

En 2001, le produit de l'impôt sur le revenu en Russie a augmenté de 25,2% après ajustement lié à l'inflation. La croissance elle même (5.1%) ne peut expliquer la totalité de la croissance de ce produit. En 2002, le PF a encore augmenté de 24%, ajusté de l'inflation (croissance: 4.7%). Enfin, en 2003, la croissance du produit fiscal a été de 15% (Inflation ajustée) pour une croissance de 7.3%.

Même une étude du FMI cherchant ouvertement à discréditer la Flat Tax, parue en 2005 (Ivanova, Keen et Klemm - PDF), admet que celle ci à considérablement renforcé le "civisme fiscal" et réduit l'évasion. Le FMI affirme toutefois, et avec raison, que le produit fiscal lié à la TVA (une autre Flat Tax, soit dit en passant), a augmenté plus vite. Le FMI en conclut donc que cela prouve que c'est la croissance générale d'une économie en phase de "recovery" qui a été le facteur de hausse, et qu'il ne faut donc pas sur-estimer "l'effet flat tax"...

Il faut être, pardonnez moi, sacrément gonflé pour oser dire cela. Mais évidemment qu'il y a un rapport ! Lorsque vous incitez les gens à ne pas camoufler leur création de valeur, bien sûr qu'ils vont créer plus de valeur, et de la valeur déclarée, et donc élargir aussi la base taxable des autres impôts !

D'une façon générale, une autre étude (de 2008 - Gordnishenko et Al) considère qu'il est impossible d'attribuer à la Flat Tax plutôt qu'à d'autres facteurs les gains de productivité de l'économie depuis 2001, mais que son effet sur la réduction de l'évasion fiscale est incontestable et mesurable, ce qui a beaucoup fait pour stabiliser les finances publiques de l’État Russe, et donc rassurer les agents économiques, ce qui est de toute façon très positif pour la croissance.

Le cas Slovaque

Autre exemple: la Slovaquie a introduit la Flat Tax en 2004 - Plus globalement, elle a réformé sa fiscalité autour de 3 impôts représentant la quasi totalité des recettes fiscales: la TVA, la Flat Tax et la Corporate Tax, toutes les 3 à 19%, avec une exemption pour les très bas revenus.

Voici ses chiffres de croissance entre 2000 et 2010, source FMI:
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
1.370
3.485
4.589
4.779
5.031
6.665
8.503
10.579
6.171
-4.660
4.100
nb: Flat Tax en 2004. Entrée dans l'EU en 2004, zone Euro en 2009

La croissance jusqu'en 2004 était déjà robuste, et il est impossible d'affirmer avec certitude que les chiffres ébouriffants obtenus entre 2005 et 2008 sont seulement dus à l'effet "Flat Tax", ou si l'entrée dans l'UE doit être créditée d'une partie de cette performance. Mais en tout cas, elle n'a pas fait de mal !

La Flat Tax a tellement amélioré les fondamentaux économiques de la Slovaquie qu'elle a été acceptée au sein de la zone Euro en 2009 (ce qu'elle semble regretter aujourd'hui, mais c'est un autre débat...).

Je discutais récemment avec un investisseur professionnel qui finance des "PME industrielles de croissance", comme on dit. Depuis quelques années, il constate que c'est en Slovaquie qu'il a financé les projets de développement industriels les plus ambitieux pour des PME, et que la productivité par employé des implantations industrielles slovaques les plus récentes surpasse d'assez loin celles de ses concurrents français dont le niveau d'investissement est freiné, notamment par le niveau élevé de taxation de la valeur ajoutée en France. Selon lui, le "competitive edge" de la Slovaquie est de moins en moins le niveau des salaires, dont le différentiel avec la France se réduit régulièrement, mais le niveau général de taxation de la valeur ajoutée dans le pays.

Il va sans dire que cette évolution l'inquiétait grandement quant à la capacité de notre pays à continuer à faire bonne figure en terme de niveau de vie moyen... Inquiétude que je ne puis que partager.

L'exemple de la Géorgie

La révolution "des roses" de 2004 a porté au pouvoir une équipe encore plus réformatrice que celle qui sortit l'Estonie du communisme en 1991. Au cœur des réformes, une transformation du système fiscal, où le nombre d'impôts est passé de 20 à 7, avec comme ossature une Flat Tax sur les revenus des ménages de 12% remplaçant un impôt progressif, augmentée d'une "payroll tax" de 20% (charges sociales -33% avant la réforme), un IS de 20%, et une TVA de 18% (au lieu de 20). L'effet sur la réduction de l'évasion fiscale a été exceptionnel, et la croissance des trois années suivantes atteindra 10% en moyenne, alors que les revenus fiscaux de l’État et des collectivités passera de 14,5% du PIB en 2003 à 22% en 2006. Parallèlement, la Géorgie est passée de la 131ème à la 11ème place mondiale des pays "business friendly", selon la banque mondiale.

Autres considérations

Parmi les autres indicateurs du succès de la Flat Tax:
- Un seul pays l'a supprimée: l'Islande, qui avait une Flat Tax à... 35%, vient de revenir à un impôt progressif compris entre 33 et 46%. Mais elle maintient son taux d'impôts sur les sociétés à 18%.
- Un seul pays en a augmenté le taux initial: l'Ukraine, qui l'a augmentée de 13% (promulgation en 2004) à 15% en 2007. D'ailleurs, il faut noter que l'Ukraine a conservé un code du travail et un code fiscal très complexe à côté de la flat tax, et que celle ci ne semble pas y avoir produit les mêmes effets qu'ailleurs. Notamment, l'Ukraine a conservé des charges sur les salaires de 36% qui incitent fortement au travail au noir.
- Plusieurs pays en ont baissé le taux initial: citons l'Estonie (26 à 20%), la Lituanie (33 à 26%), la Serbie (14 à 12%, et extension aux revenus financiers, initialement non concernés), La Roumanie (16 à 10%), etc.
- Enfin, d'autres pays considèrent l'entrée en vigueur d'une Flat Tax: la Pologne, l'opposition Turque, etc...
- La Hongrie, dans une situation proche de la Grèce il y a deux ans, a promulgué une Flat Tax. Quoiqu'il soit trop tôt pour en juger les effets, force est de constater que ce n'est pas de la Hongrie dont la presse parle le plus en ce moment... La Grèce, avec ses problèmes d'évasion fiscale endémique, serait bien inspirée d'en faire autant !

En résumé, les exemples d'implémentation bénéfiques de la Flat Tax sont suffisamment nombreux pour affirmer que ce type de taxation produit généralement une amélioration du climat économique et fiscal, quand bien même cela n'est pas un outil miracle qui peut rendre riche un pays mal géré par ailleurs.
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4. Peut on l'implanter en France ?
Et si oui, pourquoi ?

L'un des principaux reproches faits à la Flat Tax est que les classes moyennes-basses se verraient imposer un taux d'imposition plus élevé qu'aujourd'hui, ce qui la rendrait politiquement impopulaire. Pour cette raison, se contenter de remplacer l'IRPP par un "impôt règle de trois" à 5,7% ou 7,1% comme vu précédemment serait certainement voué à l'échec.

Mais nous avons également vu que dans la plupart des pays de l'Est, au sortir du communisme, les Flat Tax ont été intégrées à des packs de réformes plus larges, à la fois fiscales et institutionnelles.

La Flat Tax, outil d'hyper simplification fiscale

En France, les impôts touchant le revenu des particuliers sont foisonnants, même si nous n'en avons pas toujours conscience, et même en laissant de côté la question de la TVA et autres impôts sur la consommation.


Nous devons signaler: les charges sur la masse salariale (salariales comme patronales), y compris la CSG, qui financent non seulement la retraite et la maladie, mais aussi les allocations familiales, l'assurance chômage, les transports parisiens, le logement, et la formation professionnelle (les fameux versement transport, 1% logement et 1% formation).

Puis, à l'IRPP, s'ajoutent les taxes locales: taxes d'habitation, taxes foncières (répercutées sur les locataires par les propriétaires... quand ils le peuvent), enlèvement des ordures ménagères, taxes spéciales sur l'électricité pour payer le grenelle de l'environnement, etc.

N'oublions pas les impôts non récurrents, mais qui font très mal lorsqu'ils sont prélevés, à savoir les droits de mutation sur les transactions immobilières et les droits de succession.

Oh, et pour ceux qui ont réussi dans la vie, ou ont hérité d'un logement touché par la spéculation foncière, l'ISF (même réformé) rase d'un peu plus près.

Malgré ce vaste foutoir fiscal, pardonnez moi, l’État creuse sa dette à vitesse grand V, et le déséquilibre de ses comptes menace la stabilité de notre économie, ce n'est rien de le dire aujourd'hui.

Les sociétés ne sont pas en reste: en amont des taxes sur les bénéfices, elles doivent payer la taxe de substitution à la taxe professionnelle, et des taxes sectorielles en fonction de leur activité, et des taxes locales.

Le code fiscal a ajouté plus de 400 niches fiscales, qui sont en fait des surcoûts assumés par ceux qui n'en bénéficient pas, et non des "coûts pour les budgets publics", comme l'affirment complaisamment les ultra-fiscalistes, et qui produisent nombre de dégâts économiques en distordant les signaux d'incitations données aux différents agents économiques.

En outre, les impôts dits "locaux" ont la désagréable caractéristiques d'être régressifs, c'est à dire qu'ils pèsent plus sur le revenu des classes moyennes basses que des plus riches. Cela s'explique aisément.

Ces impôts sont calculés sur une assiette certes pas mise à jour depuis les années 70, mais tout de même basée sur la valeur du logement occupé. Or, le logement constitue une part plus importante du budget des ménages modestes que des plus riches: l'assiette retenue est donc, en pourcentage du budget disponible, généralement plus élevée chez les ménages modestes. En outre, les communes dites pauvres, faute de ressources en provenance des entreprises, tendent à appliquer à cette assiette des taux plus élevés que les communes riches.

Pour limiter cet effet, le législateur a exempté les plus pauvres d'une grande partie de la taxe d'habitation. Mais les classes dites "moyennes basses" n'ont pas eu cette chance. Et le différentiel de taux entre communes riches, pauvres, tend à se creuser.

La Flat Tax pourrait servir de support pour supprimer ce spaghetti fiscal.

Ainsi, un impôt sur les revenus actuels, fixé à 20%, avec 10 000 euros d'abattement par enfant, permettrait de se séparer de l'actuel IRPP, de l'ISF, de la TH, des deux taxes foncières, et des taxes de substitution à la Taxe professionnelle, excusez du peu !

Mais allons plus loin. Imaginons que la dégradation de la situation économique permette de faire sauter le tabou de l'assurance maladie privée au premier euro. Dans ce cas, tous les prélèvements sociaux de l'assurance maladie seraient réintégrés dans l'assiette fiscale de l'impôt, permettant d'en réduire encore le taux !

Ajoutons que Selon Alvin Rabushka et Bob Hall, qui ont popularisé la Flat Tax aux USA, au point de voir leur proposition au centre du candidat aux primaires républicaines de 1996 Steve Forbes, une bonne Flat Tax doit être un support de neutralité fiscale: elle doit permettre de réintégrer les intérêts d'emprunts dans la base taxable de l'IS au même titre que les dividendes aux actionnaires, supprimant l'actuelle distorsion en faveur du crédit qui fragilise les entreprises en période de crise, et elle doit permettre une suppression de toute double taxation des revenus financiers versés par ces mêmes entreprises. Une Flat Tax à la Française se devrait d'essayer d'atteindre cet objectif.

Bref, les combinaisons de regroupements d'impôts et de variation intelligente des assiettes fiscales offertes par la Flat Tax sont infinies.

La Flat tax et la dépense publique

Dans un pays où la collectivité prélève, tout type de ressources confondues, environ 49% du PIB, et emprunte les 7% qui manquent pour boucler ses fins de mois, attention que la Flat Tax ne serve pas, simplement, à augmenter la pression fiscale totale.

Pratiquement tous les pays qui ont implanté une Flat Tax ont aussi profité de l'occasion pour  mettre de l'ordre dans leur État providence. La Flat Tax ne sera politiquement acceptable que si elle s'accompagne d'une réduction à zéro, puis d'un excédent budgétaire permettant enfin de réduire la dette absolue, dans les deux ou trois ans qui accompagneront sa mise en œuvre. La Flat Tax aidera à faire croître le PIB et à assainir les finances publiques, mais elle ne fera aucun miracle sans une nette diminution des dépenses publiques.

Pour se faire, des évolutions institutionnelles importantes conduisant à réduire considérablement le périmètre de l'intervention publique sont indispensables. Laissez moi vous en proposer un exemple.

La VIème république hyperdécentralisée et la Flat Tax

Pourquoi ne pas aller encore plus loin ? Rêvons un peu d'une France "idéale", de mon point de vue, où l’État ne s'occuperait plus de gérer l'économie et ne conserverait que ses prérogatives régaliennes, et où toutes les interventions à caractère sociales seraient déléguées aux communes, libres à elles d'en déterminer les modalités. J'ai appelé cette révolution "la VIème République - La Suisse, encore mieux" lors des récentes universités d'été du Parti Libéral Démocrate. En quelque sorte, c'est la logique du retour à la "big society", la grande société civile, voulue par David Cameron, mais poussée à son paroxysme logique.

Pour ce faire, l’État conserverait la TVA et quelques taxes indirectes du même ordre vouées à se réduire au fur et à mesure qu'il réussirait à réduire son endettement (comme la TIPP), et les collectivités se reposeraient sur une Flat Tax au taux identique pour les entreprises et les ménages, avec pour seule exemption d'assiette nos fameux 10 000 euros par enfant à charge.
Les communes seraient libres de se regrouper au sein de GIE pour gérer les problèmes devant se traiter par coopération, mais resteraient globalement concurrentes: elles seraient donc libres de fixer leur propre taux de Flat Tax, en contrepartie de leur liberté d'imaginer les dispositifs sociaux, publics ou privés, chargés d'aider leurs population les moins favorisées.

Ainsi coexisteraient des communes très et peu interventionnistes, des communes très chères et peu chères, avec un système fiscal d'une incroyable lisibilité. Certaines communes conserveraient une école publique, d'autres mettraient en place un chèque éducation, total ou partiel. Certaines créeraient un fonds de secours mutuel public, d'autres s'en remettraient au secteur caritatif privé, quitte à lui fournir des moyens matériels (locaux, etc...). Les idées les meilleures se répandraient, les plus mauvaises n'auraient qu'un pouvoir de nuisance géographiquement limité avant d'être abandonnées.

Et alors que personne ne va manifester contre un lointain ministre des finances ou même un président de région lorsqu'il augmente les impôts, gageons que les citoyens contribuables sauraient trouver le maire de leur commune si celui ci dépensait trop ou trop mal. En outre, l'émiettement communal, vu comme un défaut par la plupart des intellectuels conformistes qui polluent notre presse, deviendrait un atout, car le contribuable mal traité pourrait alors relativement facilement voter avec ses pieds. On peut même imaginer que les amoureux du socialisme chercheraient à se regrouper au sein de communautés interventionnistes, les plus libéraux trouvant leur bonheur au sein d'entités plus enclines à faire confiance à la société civile.
Nul doute que la qualité du débat public s'en trouverait transformée ! Et enfin, lorsque tout le monde paie le même impôt, curieusement, personne ne demande l'augmentation de l'impôt des autres ! Et par conséquent, la maîtrise de la dépense publique devient un élément déterminant du vote aux élections.

Il ne m'est pas possible de développer ce soir ce concept d'hyper-décentralisation structurée autour de l'impôt proportionnel, et ce n'est sûrement pas le seul modèle d'évolution institutionnel que la Flat Tax pourrait aider à mettre en place. Mais j'espère que cet exemple, et les autres que je vous ai donnés au cours de cette soirée, vous auront convaincus que la Flat Tax, bien plus qu'un moyen efficace de percevoir l'impôt, peut être l'outil central d'une révolution institutionnelle capable de nous sortir des ornières dans lesquelles nous nous trouvons.
Je vous remercie.

Repères bibliographiques / Internet :
Le livre "The Flat Tax" de Hall et Rabushka est disponible en PDF

Le même livre, traduit en Français par l'IREF

Le blog d'Alvin Rabushka:

Le Center For Freedom & Prosperity, de Daniel J. Mitchell

La rubrique "Fiscalité" du blog Objectif liberté

Le rapport Iref Europe sur la Flat Tax