Petit plaidoyer pour le respect de la propriété privée.

Auteur: Thib13
Date de mise en ligne: 28 mars 2013

Résumé: Pourquoi il est mutuellement bénéfique de coopérer selon un mode volontaire plutôt que coercitif. Je n’appartiens pas à autrui et l’autre ne m’appartient pas. Petit plaidoyer pour le respect de la propriété privée.

 

Il y a des événements de l’histoire dont on ne soupçonne pas l’amplitude de la portée pacifique et la magnitude de l’avancée sociale. Tel fut le cas des premiers prisonniers de guerre. Sans rire. En des temps immémoriaux, lorsque 2 peuples ou 2 tribus s’affrontaient, cela se terminait par le massacre total des perdants. On ne s’encombrait pas de prisonniers. Une première avancée vit le jour lorsque le premier prisonnier fut fait après la bataille. N’y voyez pas là un élan humaniste ou une quelconque pitié dans le camp de la victoire. Les vainqueurs avaient en fait perçu la valeur économique potentielle des prisonniers qui devenaient des esclaves. Certes, suivant les circonstances et les conditions des détenus, l’on peut arguer que la vie d’esclave taillable et corvéable à merci n’était peut-être pas préférable à la mort, aussi violente soit-elle sur un champ de bataille. Et notons au passage que la vie sauve n’était pas laissée à tout le monde à des fins d’esclavage, certaines têtes couronnées et autres nobles présentant un important potentiel de rançon en cas de capture. Egalement, quelques belligérants ne faisaient pas de prisonniers, refusant catégoriquement l’insertion des sujets de certains peuples vaincus dans leur société même au titre d’esclaves. Toutefois, concernant le commun des mortels, il y avait un mieux en ce sens que le vainqueur reconnaissait et concédait au vaincu un droit à la vie. Les premiers prisonniers de guerre de l’histoire sont donc le résultat d’une avancée sociale sur fond de motivation économique. Sans cynisme, le raisonnement est ici de pur ordre catallactique, loin de toute forme d’émotion pouvant biaiser le jugement.

Ceci étant dit, l’esclavage n’est pas une forme de coopération sociale volontaire mais bien une forme de coercition. Il ne peut être mis en place qu’avec l’exercice de la force et de la violence par le maître sur l’esclave, en plus de la menace de mort en cas d’insoumission ou de fuite. Promis à une vie de dure labeur, de brimades et de coups, l’esclave est face à de mauvaises perspectives, le très maigre espoir venant d’un éventuel affranchissement par le maître. Mais les cas, s’ils existaient, n’étaient pas légions car cela constituait une perte sèche pour le possédant. L’esclave était considéré comme une marchandise et sa valeur dérivait directement de son âge, sa santé, sa robustesse, son obéissance et son utilité. Pour autant que l’on se souvienne, preuves historiques à l’appui, l’esclavage a été pratiqué dans toutes les civilisations connues à ce jour, dans tous les coins habités de la planète. Il est encore pratiqué de nos jours dans quelques pays d’Afrique et du Moyen-Orient et des pratiques semblables sont à déplorer en Asie et en Amérique Latine également, notamment parmi des enfants abandonnés ou vendus. Toutefois, en Occident, c’est un concept révolu et une pratique illégale fortement sanctionnée par la loi. Mais comment en est-on arrivé là ? Humanisme ou motivation économique ?

S’il faudra attendre 1833 pour le Royaume-Uni et 1848 pour la France afin d’assister à la codification légale de l’abolition de l’esclavage et sa mise en place effective, un vent abolitionniste soufflait déjà dès la moitié du 18e siècle qui correspond au début de l’ère industrielle capitaliste de l’Occident. Pour mémoire, la Royaume-Uni vit sa population passer 7 millions d’habitants à plus 16 millions selon les recensements entre 1780 et 1830. Les conditions économiques, bien que toujours difficiles mais en nette amélioration, ont permis la hausse des standards de vie, une diminution de la mortalité infantile et un allongement de la durée de vie, ce qui s’est traduit par un accroissement démographique très important. L’essor industriel capitaliste est à la source de ces conditions bénéfiques.

Dans les années 1760 émergea chez les économistes libéraux et les physiocrates français une condamnation économique de l'esclavage. Considéré comme moins productif que le travail libre, le système esclavagiste apparaissait aussi pour ces auteurs comme un frein au développement du marché intérieur. L’économiste écossais Adam Smith écrivait ainsi que « l'expérience de tous les temps et de tous les pays s'accorde, je crois, pour démontrer que l'ouvrage fait par des mains libres revient définitivement à meilleur compte que celui qui est fait par des esclaves.»*[ ]Ces arguments, qui trouvèrent en France dans le comte de Mirabeau un relais fidèle, permirent de rallier une partie des milieux d'affaires.

On l’aura vite compris : ce sont des motivations économiques qui sont à l’origine de l’abolition de l’esclavage. Tout bien réfléchi, le coût du salaire d’un homme libre mis en rapport avec son rendement et sa production – c-à-d sa productivité - est bien plus intéressant que l’achat et l’entretien d’un esclave dont le travail est très aléatoire, basique, sans innovation et de faible productivité. Dans le sud-est américain, seuls quelques cultivateurs de coton récalcitrants feront de la résistance sur base d’intérêts particuliers. Il en ira de même pour des exploitants français dans les anciennes colonies.  Le libre-échange est aussi vu comme un vecteur de paix assurant une plus grande force de cohésion sociale entre les individus d’une même communauté, d’une même industrie, d’un même pays, même s’ils n’ont pas de liens directs entre eux. Les perspectives salariales du travailleur libre et l’augmentation de son standard de vie combinées aux gains de productivité et à la division du travail génèrent des revenus mutuellement bénéfiques tant pour le capitaliste et l’entrepreneur que pour le propriétaire foncier et le travailleur. Notez que l’esclave passe du statut de travailleur forcé à celui de travailleur volontaire sur base contractuelle. Il n’est d’ailleurs plus question d’esclave mais d’homme libre.


Dans une économie de marché, libre à chaque travailleur de vendre ses services au prix que tout employeur voudra bien lui payer, le salaire étant un prix défini par la loi de l’offre et de la demande. Son niveau maximum est défini par la loi de la productivité marginale, c-à-d le prix maximum qu’un employeur peut offrir pour la dernière unité de travailleur loué par rapport à son output maximum trouvant acquéreur sur le marché pour n’importe quelle branche de l’industrie. Vouloir fixer ce prix au-delà du marché par intervention gouvernementale revient à briser le système de plein emploi et à générer du chômage structurel. Fixer ce prix de manière autoritaire au-dessus du maximum que l’employeur peut offrir poussera ce dernier à raréfier l’offre ou à se retirer de cette branche de l’industrie pour trouver des cieux plus cléments en d’autres contrées. Au final, il y aura moins de biens produits et donc moins d’emplois.    

Bien entendu, s’il n’est plus besoin de convaincre l’immense majorité des gens quant à la nécessité de maintenir l’abolition de l’esclavage, nous devons quand même nous pencher sur la fiscalité du travail et les contributions sociales. Le maître prenait 100% du revenu dégagé par l’esclave en l’échange d’un modeste gîte et d’un couvert frugal. Que dire de l’état belge qui peut prélever l’impôt jusqu’à 50% sur la tranche de revenu brut au-delà de 34 330 EUR, ce qui est loin d’être un revenu élevé ? Compte tenu des charges sociales (part employeur et part employé) et en établissant une moyenne, que doit-on penser des 1 000 EUR nets dans la poche du salarié belge quand le coût total pour l’employeur est de 2 540 euros ? Certes, il y a des services en retour tels que les soins de santé, les écoles, les infrastructures, etc… Mais compte tenu de déficits budgétaires permanents et de l’endettement public, ce qui équivaut à de l’impôt différé, coût de l’intérêt sur la dette en plus, ne s’approche-t-on pas dangereusement d’une société collectiviste dont le secteur privé se fait évincer et où les moyens de production prennent la direction de l’économie planifiée ? Que penser des nombreux articles de journaux signés de la main d’universitaires et du discours politique n’entrevoyant toujours pas la solution du respect de la propriété d’autrui? En fait, tout simplement du respect d’autrui dans la pleine possession de sa propriété privée  et le libre exercice de ses droits. L’expropriation constante et accrue par une fiscalité disparate et spoliatrice, à des années-lumière de l’état de droit, mène à une dangereuse subordination des individus de la société qui la compose vis-à-vis d’une poignée de gens qui n’auront bientôt plus besoin de se faire élire pour exercer le pouvoir. Ces derniers pourront aussi décréter des taxes spontanées sur les livrets d’épargne pour financer leurs besoins tout aussi spontanés comme ce fut le cas à Chypre le 16 mars 2013.   

Nous avons tout à gagner de la coopération sociale volontaire, même avec les plus faibles**. Pardon, surtout avec les plus faibles car chacun possède un talent qu’il faut lui laisser la liberté d’exercer, dans le respect des droits d’autrui et selon le principe de la responsabilité individuelle. Le respect du droit de propriété privée, c-à-d l’excroissance de la création et de la production humaines, est le garant d’une société aux standards de vie accrus pour la population dès lors soucieuse du maintien de la paix afin de préserver ces conditions bénéfiques. Dans un système social caractérisé par un régime de propriété privée des moyens de production et de faible ingérence de l’état, ceci représente le schéma idéal d’une société stable et prospère dans le temps. Avec le libre-échange, c’est une condition sine qua non pour le maintien d’une organisation humaine pérenne. Pardon, une organisation humaniste.  

* Recherche sur la nature et les causes de la richesse des nations - Livre I, Chapitre 8 – Adam Smith

** La loi des coûts comparatifs, aussi appelé loi d'association, énoncée par l’économiste David Ricardo (1772-1823) nous enseigne que les êtres humains ont tout intérêt à coopérer et à s’intégrer socialement via la spécialisation dans un système de division du travail. Imaginons un chirurgien qui travaille 9 heures par jour. Il lui faut 2 heures sur les 9 pour tenir son administration. La tâche la plus rémunératrice entre la chirurgie et l’administration est bien sûr la 1e. Supposons que notre chirurgien tienne son administration impeccablement, bien mieux que toute secrétaire. Bien que l’exercice des tâches administratives soit mieux effectué par notre chirurgien, celui-ci a néanmoins intérêt à louer les services d’une secrétaire à cette fin, lui permettant ainsi de se concentrer sur ce qu’il fait de mieux et de plus rémunérateur en satisfaisant ses clients (ou plutôt en opérant avec succès ses patients).

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