Les libéraux en phase avec les revendications syndicales !

Auteur: Christian Coppe
Date de mise en ligne: 24/02/2013



La manifestation interprofessionnelle de ce jeudi 21 février 2013 avait pour base de revendications : "pour le pouvoir d'achat, contre le gel des salaires, pour le maintien intégral de l'index et pour une fiscalité plus juste et plus progressive". Voilà qui étonne : les libéraux ne disent pas autre chose, et c'est donc rassurant. Probablement que c'est sur la manière d'arriver à ces fins que les libéraux divergeront d'avec les syndicats, mais ce n'est pas tout à fait certain.

Le pouvoir d'achat

Le pouvoir d'achat d'un citoyen n'est rien d'autre que sa capacité à dépenser de l'argent. Si possible sans emprunter. Basons-nous donc sur le pouvoir d'achat généré par les rentrées régulières d'argent, le plus souvent sous forme de salaires ou d'aides sociales mensuels. On ne peut donner tort aux syndicats de revendiquer sur ce sujet, dès lors que l'Etat ponctionne allègrement environ 58% en moyenne de ce qu'une personne coûte à son employeur. Ne cherchez pas : c'est le record du monde ! Seuls la France et le Danemark tentent de nous battre régulièrement, mais n'y arrivent pas. Pourtant, ils ne sont pas loin. Rien d'étonnant dès lors que l'argent net, rescapé du massacre et arrivant vivant sur le compte en banque, ne représente plus grand chose.

Le massacre n'est pas terminé pour autant, car, en dehors des SDF dont le nombre va croissant, le belge se loge. Soit en louant, soit en remboursant un emprunt hypothécaire, et seuls les heureux propriétaires ayant remboursé leur emprunt échappent à cette charge, c'est à dire aux environs de la cinquantaine au mieux. Et la charge est conséquente... Des loyers entre 600 et 700 euros sont monnaie courante, hors charge, et un remboursement mensuel de 1.000 euros pendant 20 ans assure le paiement d'une toute petite maison, qui demandera probablement des travaux. On le voit : il ne restera plus grand chose à la fin, et, pour peu que l'on doive également assurer le classique remboursement d'un véhicule, c'est vers la saucisse qu'on se retournera plutôt que vers la côte à l'os. Car c'est seulement à ce stade que le citoyen commencera à réellement évaluer son pouvoir d'achat.

On pourra rétorquer qu'il n'est pas obligatoire d'acheter une voiture ni de se loger dans des palaces. Il ne s'agit pas du tout de palace. Supposons un appartement à 700 euros et une voiture à rembourser pour 375 euros/mois : on dépasse déjà les 1.000 euros, et on est loin du luxe. On imagine donc le cauchemar de la personne célibataire, qui a intérêt à trouver très vite une place grassement payée si elle veut pouvoir s'en sortir. Vive la vie en couple et les colocs ! Ne tournons pas autours du pot : seul, il est pratiquement impossible aujourd’hui de s’en sortir. Au temps de nos grands-pères, l’homme assurait seul les rentrées financières de toute la maison…

Existe-t-il un moyen de s'en sortir ? Oui. Le seul moyen raisonnable est de baisser drastiquement l'imposition. Aujourd'hui, la situation est extrêmement malsaine, dès lors que le travailleur coûte une fortune à son patron tandis qu'il ne voit pas la moitié de son argent arriver sur son compte. Augmenter le pouvoir d'achat en revendiquant des augmentations salariales n'a donc plus aucun sens et est un suicide économique. C'est dégraisser l'Etat qu'il faut revendiquer. Haut et clair. Alors, oui, le pouvoir d'achat retournera à la hausse. Durablement.

Le gel des salaires

Il faudrait une fois pour toutes que l'Etat arrête de se mêler de ce qui ne le regarde pas. Un salaire est le résultat d'un contrat passé entre un employeur et un travailleur. Quoiqu'on puisse en penser, personne ne contraint le travailleur de signer ledit contrat (même si, soyons objectifs, le travailleur a rarement le choix en ces temps de crise). Aussi, lorsque l'Etat gèle le salaire, il intervient dans ce contrat privé. C'est parfaitement illégal, et l'Etat utilise son pouvoir souverain, sous la menace de sanctions sévères, pour arriver à ses fins. C'est de la dictature, tout simplement. De plus, c'est intervenir dans le processus économique, et tout le monde sait que toute intervention de l'Etat dans l'économie se solde généralement par une catastrophe. C'est la raison pour laquelle les prudents ministres se contentent de gesticuler lors d'une fermeture d'entreprise, et s'abstiennent bien d'agir.

L'Etat doit laisser la relation contractuelle se poursuivre sans intervenir. Son rôle est bien plus de créer un environnement économique favorable à l'éclosion de nouvelles entreprises, donnant ainsi aux travailleurs un nouveau degré de liberté dans la négociation du contrat de travail. Geler les salaires est donc non seulement parfaitement inutile, mais est une erreur grossière.

Maintien de l'index

Si le libéral est viscéralement opposé à l'indexation automatique des salaires, particularité belgo-belge unique au Monde, ce n'est pas une raison pour supprimer l'index, que du contraire : l'index est un indice indispensable à la compréhension de l'évolution du coût de la vie et, partant, du pouvoir d'achat. Or cet index est de plus en plus galvaudé, et toute comparaison avec l'index de 1970 est vouée à l'échec : on compare des pommes avec des poires. Peut-être que les syndicats ont obtenu une grande victoire en obtenant le maintien des salaires à l'index, mais disons-leur haut et fort : ils ont été bernés ! Ne trouvez-vous pas paradoxal que, malgré le maintien des salaires à l'index, le pouvoir d'achat se soit drastiquement érodé ? Etonnant, non ? Ceci constitue la meilleure preuve que ce lien du salaire à l'index est parfaitement inutile, car si le même index qu’en 1970 (la même composition d'éléments qui servent à son calcul) était utilisé aujourd'hui, les salaires seraient au moins le double de ce qu'ils sont aujourd'hui. Et c'est tout bonnement impayable. On voit donc toute la perversité de la chose : pour contenter "la base", l'Etat maintient la liaison des salaires à l'index, et passe son temps à raboter ce dernier, rendant toute comparaison de l'évolution du coût de la vie parfaitement impossible.

Alors, oui, il faut maintenir l'index, tel que le demande les syndicats. Si on veut une claire vision de l'évolution des coûts, c'est indispensable. Sinon il y a tromperie envers les citoyens. C'est le cas aujourd'hui.

Fiscalité plus juste et plus progressive

Les syndicats savent que la fiscalité des personnes physiques est progressive. Pourtant, ils demandent qu'elle soit encore plus progressive. Etonnant. En théorie. Car, en pratique, on constate avec surprise que les hauts salaires paient finalement nettement moins d'impôts que les bas salaires ! Le monde à l'envers. Et un bel échec de la justice sociale. Comment en est-on arrivé là ? L'Etat belge a mis en place une fiscalité progressive, dans laquelle les revenus élevés sont taxés à 50% (+ONSS). Oh, pas des salaires de grands patrons ! Non, simplement un salaire moyen. C'est une pratique connue : on commence par taxer fortement les très hauts salaires, puis, l'Etat grossissant progressivement et demandant toujours plus, les hautes taxations descendent inexorablement vers les salaires plus bas. Aujourd'hui, il faut pratiquement être un SDF pour ne pas être taxé, et encore... Dès lors, sous la pression du capitalisme de connivence, on a vu fleurir un champ entier de niches fiscales, la plupart d'entre elles concernant bien entendu les salaires les plus élevés et les entreprises.

La fiscalité étant callée très haut et le fatras de niches fiscales rendant le paiement de l’impôt plus digeste, la fiscalité "à la belge" est devenue d'une telle complexité que plus personne ne s'y reconnait, sauf les très riches qui peuvent s'offrir les services d'experts fiscaux, espèce en pleine prolifération en Belgique. Le résultat est étonnant : les riches paient très peu d'impôt. En fait le poids de l'impôt pèse sur les épaules de la classe moyenne, celle qui travaille et qui paie pour tous. Etonnant. Donc, en rendant l'impôt progressif, on a obtenu exactement l'effet inverse de celui qu'on espérait. Conséquence : le système n'est pas bon. Un impôt juste est le même impôt pour tous, et le montant à payer est proportionnel aux rentrées financières. Si on veut une justice fiscale pour les plus démunis, on défalque une tranche de revenu conséquente, non taxée. Et tout le reste est taxé au même taux.

Bas, le taux. Les pays qui ont expérimenté ce système ont fixé un taux unique tournant autours de 20%. Et s'en sortent très bien : non seulement les travailleurs coûtent moins à leur employeur, mais ils gagnent plus en net, et donc voient leur pouvoir d'achat augmenter. Connaissez-vous le taux réel moyen de taxation des personnes physiques en Belgique, tout confondu ? 24% ! (1) Etonnant, non ? Et pas très éloigné des 20% cités. Et les sociétés ? En moyenne, 14% ! (2) Oui, vous avez bien lu ! Et cela, uniquement grâce aux niches fiscales inventées par l'Etat. Il faut donc abolir tout ce fatras fiscal, et remplir nos déclarations sur un ticket de bus : nos revenus, sans rien d'autre, dont 20% restent à l'Etat après soustraction d'une somme forfaitaire. Simple, clair, facile, compréhensible par tous.


Comme on le voit, les libéraux sont en phase avec des revendications syndicales. Aussi étonnant que cela puisse paraître !

(1)  Statbel.fgov.be (Statistics Belgium)
(2)  Nbb.be (Banque Nationale)