jeudi 6 juin 2013

Droits de succession : un business juteux pour l’Etat, un prélèvement illégitime pour les individus.

Auteur : Thib13
Mise en ligne : 6 juin 2013

Résumé: Les droits de succession sont largement considérés par la population comme un impôt inique sur du capital issu des revenus du travail déjà largement imposés à la source. Pourtant, le principe dure et perdure avec des taux de prélèvement prohibitifs et des cas dramatiques. 

L’article 14 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 énonce : « Tous les Citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs Représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d’en suivre l’emploi et d’en déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée. » Consentir librement… En est-on là aujourd’hui lorsque, contrôle budgétaire après contrôle budgétaire, le budget n’est toujours pas à l’équilibre et la seule issue considérée est de gonfler la colonne des recettes fiscales sans la moindre considération pour une diminution des dépenses ? Peut-on parler de consentement mutuel lorsque, les prélèvements sur les revenus du travail s’élevant à plus de 50%, un impôt supplémentaire tel que les droits de succession peut atteindre 80% sur la tranche supérieure de l’actif net successoral. Voyons un peu la méthode appliquée en région wallonne.


Le calcul de l’assiette

Mourir est l’ultime étape de la vie. Pourtant, il n’est pas question pour l’Etat de vous laisser partir non sans être passé par ses fourches caudines pour l’extrême ponction. L’Etat compatit à votre douleur. C’est une triste disparition. Mais dans votre malheur, n’oubliez pas de vous acquitter de vos droits de succession. Qu’est-ce donc ? Il s’agit d’un impôt progressif prélevé sur une assiette imposable comprenant le patrimoine net transmis par le défunt à ses héritiers.

L'actif patrimonial se distingue principalement par :
-         les avoirs immobiliers (bâtis et non-bâtis)
-         les avoir mobiliers
-         les avoirs monétaires
-         les capitaux d’assurances-vie
-         les créances
-         tous les autres biens

Ensuite, afin de déterminer le patrimoine net – ou l’actif net successoral - qui constituera l’assiette imposable de la succession, il convient de déduire le passif, à savoir :
-         les dettes du défunt (personnelles ou la moitié des dettes de l'éventuelle communauté conjugale)
-         Les charges de la succession (frais de dernière maladie, frais de funérailles, frais de liquidation et de partage ou les différents legs à délivrer).

En résumé :
-         Actif patrimonial – passif patrimonial = actif net successoral
-         Actif net successoral = assiette imposable

Les taux d’imposition sur la succession

Il y a quelques libéralités sous la forme d’exemptions, déductions ou encore donations mais, dans l’ensemble, les taux d’imposition se définissent comme suit à ce jour en région wallonne (1) :
Tranche d'imposition
En ligne directe entre époux ou cohabitants
De 0 à 12.500 €
3%
De 12.500 à 25.000 €
4 %
De 25.000 à 50.000 €
5%
De 50.000 à 100.000 €
7 %
De 100.000 à 150.000 €
10%
De 150.000 à 200.000 €
14%
De 200.000 à 250.000 €
18%
De 250.000 à 500.000 €
24%
Au-delà de 500.000€
30%

Le cas classique : pour la succession la plus courante en ligne directe, c.-à-d. entre un parent décédé et son (ses) enfant(s), en tenant compte d’un patrimoine net pour la classe moyenne comprenant une maison d’une valeur de 200 000 EUR, d’un livret d’épargne de 50 000 EUR, de quelques valeurs mobilières pour 150 000 EUR ainsi que des biens divers pour 25 000 EUR (total = 475 000 EUR), en faisant abstraction de toute dette et des frais de succession, le taux d’imposition effectif global est de 16,97%, soit 80 607,50 EUR ou 1/6 du patrimoine net au titre de ponction fiscale.


Mais la progressivité de l’impôt ne s’arrête pas là, en fonction du lien de parenté ou de l’absence de lien entre le défunt et les héritiers, les taux vont pointer à la hausse (voir tableau ci-après).
Tranche d'imposition
Entre frères et sœurs (1)
Entre oncles ou tantes et neveux et nièces (2)
Autres (3)
De 0,01 - 12.500€
20%
25%
30%
De12.500 - 25.000€
25%
30%
35%
De 25.000 - 75.000€
35%
40%
60%
de 75.000 - 175.000€
50%
55%
80%*
Au-delà de 175.000€
65%
70%
80%*
* Le taux applicable à ces tranches s’élevait à plus de 90% récemment.

Dans les 3 nouveaux cas ci-dessus, tenant compte du même actif net successoral, on arrive aux taux d’imposition effectifs globaux suivants :
-         (1) : 56,45% => plus de la moitié !
-         (2) : 61,45% => près des deux tiers !!
-         (3) : 75,39%  => plus des trois quarts !!!

Il est donc évident que, soumis à l’un des trois taux ci-dessus, la cession de la majeure partie de l’actif successoral s’impose. Et si les conditions de marché sont mauvaises…

Considérons le cas suivant qui est à déplorer si le père et la mère sont des concubins et ne sont donc pas mariés. En supposant que la filiation biologique parte de madame et que monsieur n’a pas d’héritier (faisons simple), si monsieur décède, madame honore les droits de succession sur la part de monsieur selon la colonne 3 du tableau ci-avant. Ensuite, lorsque madame décède, les héritiers doivent encore s’acquitter des droits de succession selon le premier tableau. Essayez enfin d’imaginer les imbroglios que de telles pratiques et de tels taux peuvent générer au sein des familles recomposées. Certain(e)s risquent de la trouver saumâtre alors que c’est tout bénéfice pour l’Etat.    

Les droits de succession, un prélèvement légitime ?

Quel est la légitimité d’un tel prélèvement, aussi faible soit-il ? Les avatars du droit positif et du concept de discrimination en découlant arguent qu’un tel impôt permet de rétablir une forme d’équité sociale en appliquant un nivellement des patrimoines entre les individus. De plus, un tel prélèvement autorise l’Etat à assurer la redistribution via les transferts sociaux tout en finançant la bonne marche de ses administrations bureaucratiques. C’est donc dans une logique fiscale redistributive que cette démarche s’inscrit, non par consentement absolu des contribuables sur preuve d’un contrat social signé à l’encre indélébile par chaque individu, mais via la coercition étatique. Ce n’est rien d’autre que la saisie manifeste d’une partie du patrimoine d’autrui sous couvert légal pour redonner à un autre en se servant au passage.  

Les grands ennemis de la succession étaient Karl Marx et Adolf Hitler, le premier recommandant son abolition pure et simple (et donc la confiscation de tout l’actif net successoral), le second n’ayant pas eu le temps de mettre ceci en pratique (mais ayant quand même rempli 8 des 10 points du programme de collectivisation préconisé par Marx). On ne distingue pas toujours bien les chemises rouges des chemises brunes.

Mais restons-en à notre Belgique contemporaine où des cas malheureux comme le suivant sont parfois à déplorer. Ainsi, comme le relate le Vif du 16 juillet 2009, un contribuable belge s'est retrouvé à devoir mettre la main au portefeuille pour payer les droits de succession car l'actif net successoral ne les couvrait pas. En fait, il ne les couvrait plus car il était investi principalement en actions Fortis qui sont passées de 16,88 EUR/pièce à 0,85 EUR/pièce suite à la débâcle que l'on connaît entre le date du décès (et donc le calcul de l'assiette) et la date de réalisation des actions. Lien vers l'article: Le Vif  

Quel besoin y a-t-il d’imposer à nouveau du capital qui a déjà été imposé ? Outre l’impôt sur le revenu et les taxes sur le capital, les droits de succession deviennent une 3e couche de prélèvements. Si, en plus, lorsqu’on sait que le principal bien de l’actif successoral est généralement un bien immobilier, ce dernier fait déjà l’objet de droits d’enregistrement prohibitifs de l’ordre de 6% à 12,5% en région wallonne, augmentés des frais de notaire et droits d’inscription hypothécaire, propulsant la facture totale entre 10% et 20%. Héritage d’un code fiscal d’outre-tombe où l’impôt sur le revenu était absent, les droits d’enregistrement n’ont jamais fait l’objet d’une révision drastique. Que du contraire, des revenus fictifs tels que le revenu cadastral et son corollaire le précompte immobilier sont venus se greffer sur la charge fiscale. On comprend vite pourquoi dans cet enfer fiscal les droits de successions sont généralement perçus par la population comme un impôt inique, un prélèvement illégitime.

Le capital aux mains des plus talentueux dans le libre marché

Que vous soyez Paris Hilton ou encore Steve Jobs, le capital ne restera entre vos mains que si vous êtes capable de le faire fructifier. Il n’est d’ailleurs pas étonnant que le bien avisé grand-père de la bimbo blonde l’a légitimement déshéritée via un lestage d’une très grande partie de sa fortune investie dans les hôtels. Avant même la grosse patte de l’Etat, M. Hilton Senior avait bien remarqué qu’il relevait de la folie pure de confier un tel capital entre les mains d’une personne aussi immature et irresponsable que sa petite-fille.

Le libre marché agira de la même façon : le capital est une ressource rare. Si cette ressource est mal allouée, c.à.d. si l’allocation s’effectue sur base d’estimations erronées par l’entrepreneur quant aux prix payés en amont pour les biens de capitaux et l’espérance des prix de vente des biens de consommation en aval, il en résultera des pertes financières qui viendront consommer le capital. Les entrepreneurs étant les plus précis à anticiper ces tendances et à répondre correctement aux attentes des consommateurs verront eux leur capital gonfler par accroissement des bénéfices. S’en suivra à juste titre une accumulation du capital qui permettra une nouvelle allocation des ressources vers de nouveaux débouchés et malheur à ceux qui d’exercice social en exercice social dévieront de la voie tracée vers la satisfaction des besoins les plus urgents des clients. Une fortune peut croître comme elle peut décroître. Voyez la récente faillite de Kodak, jadis leader de la photographie.  

Le processus du libre marché assurera démocratiquement l’attribution du capital vers les plus talentueux via le vote que chacun exerce dans la dépense de ces deniers. Et ne croyez pas que ces entrepreneurs qui failliront à cette tâche ardue disparaîtront dans les feux de l’enfer capitaliste et viendront irrémédiablement peupler les rangs des SDF. Ils seront tout simplement amenés à ajuster leurs allocations de ressources et seront relégués à des positions plus modestes que celles occupées par les Steve Jobs, Bill Gates, Mark Zuckerbeg & Co. Il n’y a pas besoin de l’intervention de l’Etat via les droits de succession pour assurer ce processus de glissement du capital. Que l’Etat se borne à assurer un environnement juridique stable et respectueux des droits naturels dont la propriété privée. Le marché récompensera les bons éléments et invitera les moins talentueux à se corriger.        

1 commentaire:

  1. Le démocrate aimant les chiffres se demande quant à lui quel qualificatif méritera notre démocratie le jour où 30 "petits" partis feront chacun 2% des voix, en laissant ainsi 40% aux 4 "grands" partis qui conserveront 100% des sièges et 100% des subventions aux partis politique.

    S'il s'agissait d'économie, on parlerait depuis longtemps d'abus de position dominante, d'oligopole, mais aussi de fixation de barrières à l'entrée injustifiées. Autant d'entorses aux règles d'une saine compétition, qui auraient depuis longtemps été portées à l'oeil attentif de la DG de la Concurrence de la Commission Européenne.

    Les bienfaits de la compétition et de l'émulation ne semblent manifestement pas concerner les projets politiques, mais pour combien de temps encore?

    RépondreSupprimer