vendredi 7 juin 2013

Billet d’humeur : Quand le gamin du gouvernement n’a pas le cran de boxer l’épargnant belge, il va chercher le grand frère européen.

Auteur: Thib13
Mise en ligne: 7 juin 2013

Augmenter les recettes sans jamais considérer la diminution des dépenses. C’est cette attitude autiste que les gouvernements belges successifs, de droite comme de gauche, ont choisie pour gérer le pays sur les 60 dernières années. Avec un code fiscal sombre et complexe, il y a bien quelques libéralités et autres niches. Mais dans l’ensemble, la Belgique peut s’enorgueillir de truster le peloton de tête des pays les plus taxés. En fait, le peloton de tête des enfers fiscaux mais ça personne ne le dit au sein du gouvernement ou encore dans les médias mainstream. Il est plus facile à ce titre de stigmatiser et attaquer les juridictions fiscales moins gloutonnes en les frappant d’anathème, en les nommant paradis fiscaux et en les montrant d’un doigt accusateur, le tout emballé dans un discours moralisateur sur un ton passif agressif.


Jean Gol (1942-1995), homme d’état belge et ancien président du Parti Réformateur Libéral (rebaptisé Mouvement Réformateur), parlait de rage taxatoire au début des années 90 pour désigner l’appétit féroce du gouvernement Dehaene face au déficit budgétaire colossal et la dette publique aux hauteurs stratosphériques. 20 ans déjà et rien ne change. Ou plutôt si : cette fois les ordres viennent d’en haut. Et l’on courbe l’échine. On acquiesce. On explique qu’on n’y peut rien. Qu’il faut contribuer, être solidaires. Que c’est pour bâtir la Grande Europe (en Allemagne de l’Est, un chant communiste célèbre s’intitulait « Construisons le Socialisme »). Si vous n’y adhérez pas, vous êtes sûrement un fasciste.

Mais de quoi parle-t-il ?, vous demandez-vous. Des livrets d’épargne et de leur exonération de précompte sur les 1880 premiers euros qui est en train de passer à la trappe sous la pression de l’Union Européenne (1) et avec le consentement de façade larvé et l’air contrit - mais ô combien satisfait à l’intérieur - de notre classe politique. Il y avait bien des signaux avant-coureurs qui nous disaient que le politique lorgnait sur les livrets comme le loup affamé considère la tendre brebis qu’il va croquer. Mais s’attaquer de manière frontale à un symbole belgo-belge était jugé trop téméraire par nos courageux dirigeants. Alors, ils sont allés discrètement chercher le grand frère, plus costaud et plus sûr. L’Union Européenne impressionnera les épargnants belges et toute révolte sera matée rapidement. Et le grand frère s’est vite fait entendre : « En instaurant et en maintenant un régime établissant une imposition discriminatoire des intérêts payés par les banques non-résidentes, résultant de l'application d'une exonération fiscale réservée uniquement aux intérêts payés par les banques résidentes, le Royaume de Belgique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 56 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) ainsi que de l'article 36 de l'accord sur l'Espace économique européen (EEE), du 2 mai 1992 », a indiqué la cinquième chambre de la Cour de justice Européenne dans son arrêt. Pervers et insidieux mais efficace.


Je ne sais plus de quand date cette première tranche d’intérêts défiscalisée sur nos livrets d’épargne. Je n’étais pas né. J’ai souvenir d’un cours de gestion bancaire où le prof a expliqué que, historiquement, seul un livret par épargnant était autorisé. Ce fut la CGER dans les années 1970 (elle fusionnera plus tard avec la Générale de Banque pour former la Fortis Banque devenue BNP Paribas Fortis) qui proposa au législateur d’abolir cette obligation d’unicité, ce qui fut fait. Certes, notre bon Belge pouvait ainsi démultiplier les livrets pour ne pas atteindre la tranche supérieure taxable par livret et ensuite « oublier » de déclarer ce surplus total dans sa feuille d’imposition annuelle mais, en des temps difficiles, après avoir pris de plein fouet une opération Gutt (1) en octobre 1944 qui avait mangé 30 à 40% des avoirs monétaires, on pouvait bien fermer les yeux sur cette manœuvre potentielle et vivre avec cet écueil. D’autant plus que la pression fiscale était déjà très élevée en Belgique et que le livret d’épargne était la formule préférée de la classe moyenne.    

Juin 2013, le gouvernement doit colmater les brèches béantes ouvertes dans le bateau Belgique qui prend l’eau de toutes parts et dont le naufrage budgétaire est imminent. Encore une fois, on va faire payer les riches (les autres évidemment). Plus de 240 milliards qui dorment sur les livrets d’épargne à ce jour alors, vous pensez bien qu’il faut qu’ils servent à quelque chose, ma bonne dame. D’ailleurs, le défunt économiste John Maynard Keynes vous l’aurait dit : il faut inciter le quidam à consommer par la dette et l’impôt. Ca relance l’emploi. C’est bon pour le pays. Quoi ?! Epargner pour l’avenir ? Une poire pour la soif en cas de pépin ?! Mais dans quel monde vivez-vous donc, égoïste sans cœur ?! Vous ne savez donc pas que nous sommes tous solidaires les uns des autres ? De toute façon, cette montagne d’argent sert déjà d’argument marketing pour la promotion de la dette publique belge via son agence (3). Alors à quoi bon s’entêter avec votre droit de propriété quand que des gens souffrent ? D’ailleurs, on ne touchera qu’aux revenus d’intérêts. Pour l’instant… Quoi, Chypre ? Une magnifique destination de vacances ! 



2 commentaires:

  1. Antikeynesprofriedman7 juin 2013 à 12:50

    Bonjour,

    Je partage habituellement les excellents points de vue que vous développez mais, dans le cas présent, je suis un peu en opposition avec votre avis.

    Les livrets bénéficient, dans une certaine mesure, de la garantie de l'Etat et l'épargnant reçoit cette garantie gratuitement, sans payer le moindre euro d'impôt. En cas de défaut bancaire, ce n'est pas le déposant qui aura constitué une provision technique, fut-ce sous forme d'une contribution à l'effort national par le paiement d'un précompte mobilier qui paiera "l'indemnité d'assurance" mais, au contraire, l'ensemble des contribuables qu'ils soient épargnants dans une banque faillie ou non ou qu'ils ne soient pas épargnants du tout qui devront faire les frais de l'aspect sécuritaire de ce type de placement financier.

    Je suis aussi un peu étonné que des libéraux ne soient pas plutôt en faveur de la prise de risque. Personnellement, je trouve tout-à-fait normal que les revenus des rentiers (c'est-à-dire les revenus d'intérêts) soient imposés au moins au même niveau que les revenus des entrepreneurs (c'est-à-dire les dividendes).

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  2. Bonjour,

    Merci pour votre lecture attentive et votre commentaire.

    La garantie de l'Etat sur les livrets à hauteur de 100 000 EUR par épargnant est une pure fiction et une tentative risible de rassurer les déposants quand on y regarde de près. Avec 240 milliards sur les livrets, l'Etat belge serait incapable de faire face à ne fût-ce que 5% de défaut sur cet encours si l'on considère sa dette pbulique courante. Il est illusoire de penser que le modèle monétaire fiduciaire et bancaire d'ordre systémique pourrait être protégé par une telle "assurance".

    Ensuite, dans la logique libérale, il n'est pas acceptable que les citoyens bénéficient "gratuitement" (rien n'est gratuit...) d'une quelconque forme de garantie quand ils ne l'ont pas demandée et quand ils n'ont rien signé de leur main en ce sens, surtout quand certains n'en bénéficient pas en tant que non-épargnants. Ce n'est pas libéral. tout ce que l'Etat vous donne, il l'a pris par la force à un autre.

    Il est également illusoire de penser que le précompte collecté viendra constituer les réserves techniques de l'Etat-assureur face à ce risque de défaut bancaire. Que du contraire, il viendra financer les dépenses somptuaires et le train de vie de l'Etat et de ses apparatchiks.

    Le capital ne devrait jamais être taxé. C'est de sa croissance et des gains de productivité que découle la hausse des salaires. Les revenus du travail et ceux du capital devraient en effet faire l'objet d'un frottement fiscal égal et minimaliste dans le meilleur des mondes du point de vue libéral (et même 0% selon le point de vue libertarien).

    Il y a parfois des placements générateurs de revenus d'intérêts comme des créances qui sont plus risqués que des placements en actions. Tout cela dépend de la contrepartie, de l'horizon considéré, de la préférence pour la liquidité, de l'environnement juridique et du cycle économique.

    Le cas belge sur la défiscalisaiton de la première tranche d'intérêts à hauteur de 1880 EUR/épargnant est une bouffée d'oxygène libérale et capitaliste laissée à l'épargnant dans cet enfer fiscal. Il est juste de le maintenir quand on voit se profiler le choc des pensions et du vieillissement.

    L'Ecole Autrichienne d'Economie est pleine d'excellents enseignements à ce sujet.

    Bien à vus,

    Contrario

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